Chapitre 5

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Maël :

Ça fait cinq minutes que j'observe Léo mettre les doigts dans le nez de toutes les statues de l'exposition avec Light my body up de David Guetta dans les oreilles. Il faut dire que le mélange visuel et sonore est plutôt à vomir. Je le laisse donc vaquer à sa passionnante occupation pour me lancer à la recherche de filles. 

J'aperçoit Jo près des distributeurs. Elle, Mathilde, Noémie et Léa entourent une fille assise par terre. Je reconnais aussitôt Louann. Je m'empresse de les rejoindre. Mon amie est blanche comme un linge. Son regard est vitreux et ses yeux rougis indiquent qu'elle a pleuré. 

- Il y a un problème Louann ? 

Jo répond pour elle :

-Elle est partie nous chercher à manger quand elle a fait une sorte de malaise. Enfin, on a pas vraiment vu, mais quand on est arrivées elle était déjà comme ça.

Louann semble tout à coup reprendre ses esprits. Elle se tourne vers moi et me fixe de ses grands yeux bruns.

- Je vous dis que je vais bien ! C'est à cause du pollen, quand on est passé près du marché aux fleurs. Mes yeux ont dû enfler. Me dit-elle d'un voix rauque qui ne présage rien de bon.

- Tu es sûre ? Fait Jo d'un air inquiet

- Mais oui puisque je vous le dit ! Bon j'ai faim, on mange ?

Louann est un estomac sur patte. Son appétit soudain me rassure. Quand elle mange, c'est que tout va bien.

-OUI J'AI FAIM !!! Fait Noémie.

Je me retourne et remarque que monsieur Z nous observe du coin de l'œil tout en faisant semblant de discuter avec Mme Kagny. Son regard se pose sur chacun d'entre-nous puis s'attarde sur Louann. Pour la plupart des profs, ça peut paraître normal d'observer une élève qui vient de tomber. Mais avec ce prof, c'est différent ce n'est pas un regard...normal. Un instant, je crois voir ses pupilles changer de couleurs. Mais il s'éloigne pour dire à Dylan d'arrêter d'insulter en français les pauvres touristes hollandais qui n'en comprennent pas un mot.

Je reste à l'arrière du groupe qui avance pour continuer la visite en écoutant d'une oreille Mathilde me parler de leur famille d'accueil.


*   *   *


Après ma douche, je m'enfonce dans mon lit et appelle ma mère sur Whatsapp. Pas de réponse. Je retrouve un message vocal envoyé une heure plus tôt dans lequel elle me prévient que ma sœur s'est cassé la jambe en roller et que la fracture nécessite une opération. "On te rappelle demain. Bisous". Je laisse tomber. J'enfile mes écouteurs et sort mon livre. La cinquième vague. Il est génial. C'est un monde où les extraterrestres envahissent la Terre, où les hommes doivent...survivre. J'aimerais bien être à leurs places. Un héros qui sauve l'humanité. Mes muscles se relâchent et sans m'en rendre compte, je me laisse tomber dans les bras de Morphée.


                                                                                              *   *   *

C'est Eimen qui me réveille en sursaut en arrachant ma couverture. 

- Grouille on est en retard ! Tu ne nous a pas réveillé espèce de nul !

Je regarde mon téléphone. 9 h 00. On a qu'une demi-heure pour nous préparer. Je ne comprends pas. D'habitude je suis du genre lève-tôt. Mon cerveau est naturellement programmé pour se réveiller vers 5 h 30 du mat'. Et je n'arrive jamais à me rendormir, donc avant le voyage, j'ai dit à mes camarades que je les réveillerais moi-même le matin.

Je passe rapidement à la salle de bain me passer un peu d'eau sur le visage, quand je remarque une petite croûte de sang de la taille d'une mine sur mon poignet. Je n'y prête pas trop attention, j'ai dû me griffer quelque part.

Je dévale l'escalier en chaussettes. Pas l'idée du siècle. Le proprio de la maison est hyper maniaque et les marches sont recouvertes de cirage super glissant. Au bout de la descente je vois Eimen par terre totalement hilare. Pas loupé, je dérape moi aussi à la onzième marche. J'atterris sur lui en riant tellement que mon ventre me fait mal. Arthur et Thomas descendent calmement à notre suite. Ce dernier nous traite de boulet. La jeune anglaise qui s'occupe de nous sort de la cuisine et nous demande si tout va bien.

Au petit déjeuner, je tends la main vers la confiture, quand Eimen fait exprès de prendre le pot avant moi. Je lui attrape le bras, un rictus de concentration sur les lèvres.

- Aïe ! Non touche pas mon bras par contre, s'il-te-plaît.

-Pourquoi ?

-Je me suis fait piquer par un genre de bestiole, regarde.

Il me tend son avant bras où une blessure semblable à mienne se dessine.

- Moi aussi ! fait Thomas, ça m'énerve c'est plein de moustiques ici !

- Hey, calme toi Tomichou, sourit Arthur, une piqûre de rien du tout n'a jamais tué personne.

- Ce qui est bizarre, dis-je en observant alternativement le poignet de Thomas et Arthur, c'est que ces moustiques ne piquent qu'au même endroit.

- Bah peut-être que c'est là où il y a plus de sang, suppose Eimen.

   *    *    *  

On arrive de justesse devant notre vieux bus miteux, sandwiches dans nos sacs, mes baskets aux pieds, ma veste fermée jusqu'au menton. Je monte avec mes amis. Les autres élèves chahutent gaiement. Je préfère me laisser bercer par le ronronnement régulier du moteur avec Symphony de Clean Bandit dans les tympans. Je me détends. Trop peut-être. Autour de moi, tout devient flou. C'est le brouillard. Les autres élèves se sont étrangement tus. J'ai le temps d'apercevoir notre bus quitter la route au lieu de suivre le grand car devant nous. Je remarque aussi que ce n'est pas notre chauffeur, mais monsieur Z qui est au volant.


DownstairsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant