Chapitre 8

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Louann:

Les arbres, la mousse, la terre, le soleil, le ciel. Tout disparaît. La nature laisse place à une vaste pièce au sol et aux murs de béton nus. C'est si extraordinaire que j'en oublie le goût métallique du sang omniprésent dans ma bouche. Je me suis mordue quand la Voix nous a torturé. Je tourne sur moi-même pour tenter d'apercevoir la porte de secours que nous sommes sensés trouver. Mais la salle de béton se prolonge à l'infini.

- C'est....un immeuble, ça ? s'exclame Elliot, un garçon châtain à la mèche rebelle.

La forêt réapparaît aussi vite qu'elle a disparue. Tous ces changements me donnent le tournis.

- Oui, dit la Voix, et comme je vous le répète vous êtes au vingtième étage. 

Elle marque un temps d'arrêt avant d'ajouter : 

- Je vais bientôt devoir vous quitter. Alors voici quelques dernières informations : en tout, vous aurez trente et un jours pour redescendre l'immeuble. Je vous donnerai des provisions au départ. Quand il y aura une nouvelle information à transmettre je serai là. Mais sinon, sachez qu'il est inutile d'essayer d'entrer en contact avec moi.

La Voix fait une pause le temps qu'on digère ses propos, avant de finalement  lâcher :

- Bonne chance.

Je croise le regard des autres membres de ma classe, hébétés. Moi-même j'ai l'impression de vivre un cauchemar éveillée. Ce qu'il nous arrive est tellement étrange. Je tombe à genoux secouée de tremblement. Plusieurs élèves fondent en larmes. Maël s'agenouille près de moi et pause une main sur mon épaule. Je sais qu'il se veut rassurant mais lui-même fait une drôle de tête. Bientôt, on est tous assis par terre en silence à ruminer sur notre sort. Thomas s'avance au milieu.

-Bon, je ne comprend pas plus que vous ce qu'il se passe. Je ne sais pas qui sont ces gens qui enferment des enfants dans des immeubles, mais ce que sais, c'est qu'on a pas d'autres choix que d'avancer. Je propose qu'on parte dès maintenant et qu'on trouve cette foutue porte.

-Regardez, j'ai trouvé un truc qui devrait nous être utile ! clame la voix d'Eimen.

Ce dernier se dirige déjà vers une petite pile de victuailles qui a été posée près d'un sapin. Le temps qu'on le rejoigne, il a déjà commencé à faire l'inventaire de sa trouvaille.

- Quatre conserves de fruits aux sirop, quatre autres de haricots blancs, des sachets de bœuf séché, des nouilles et du bouillon déshydraté, une gourde de 1L et demi pour chacun d'entre nous, un saucisson et une miche de pain. Et, il y a aussi des ustensiles de cuisine, des sacs de couchages, et ces gros trucs là, on l'air d'être des tentes.

- Les gourdes sont vides, fait remarquer Maël.

- Evidemment, dis-je, c'était trop dur de les remplir !

- On peut toujours prendre l'eau des bouteilles de nos sacs, dit Mathilde.

- Mince ! Mon sac, je l'ai oublié dans la chambre de béton ! fait quelqu'un.

- Moi aussi !

- Comment on va faire pour transporter toute la bouffe ? demande Noémie. 

- J'aurais bien pris mon sac mais je crains bien que ça soit trop petit, dit Eimen en contemplant son eastpack noir.

- Tiens prend ça, fait Jean, un type immense, blonds aux yeux bleus qui plaît beaucoup à Jo        (😂). Il lui tend son énorme sac de randonnée. Je me souviens qu'on s'est tous foutus de lui le premier jour quand on a vu ce sac. A présent, je sens qu'il va nous être très utile. A cette pensée, un sourire se dessine sur mon visage. Jo sourit aussi comme si elle avait lu dans mes pensées.

J'aide Eimen à distribuer les gourdes tandis que Jean fais l'inventaire de l'eau qu'il nous reste.

- Eh, pourquoi je dois donner mon eau ? C'est ma bouteille ! s'écrit Colline.

- Il faut qu'on reste organisés, dis -je, on ne sait pas si on trouvera de l'eau dans cette foutue forêt et certains ont laissé leurs sac dans la chambre de béton. On va répartir équitablement l'eau dans chaque gourde. C'est sûrement ce qu'ils attendaient de nous, sinon ils n'en auraient pas donné une par personne.

Quand tout le monde est enfin prêt, le groupe entame sa progression à travers les sapins. Thomas qui semble avoir prit le rôle de leader, marche en tête avec la boussole dénichée au fond du tas de victuailles. Eimen a insisté pour porter lui-même le sac de nourriture. Il avance à ses côtés avec Dylan et Vargues, un type d'origine arménienne qui aime les blagues bien lourdes.

- Il faut aller vers le Nord, fait Mathilde, c'est une direction logique et le Nord mène toujours quelque part.

- Et si la porte se trouve totalement à l'opposé ? demande quelqu'un.

- En fait, explique-t-elle, la porte est forcément contre un mur, vous êtes d'accord ? Cette fausse forêt a bien une limite. Je propose donc qu'on avance jusqu'à trouver la limite, qui, je suppose est une paroi ou quelque chose dans le genre, et ensuite on la longera jusqu'à trouver la porte. 

- Mais ça peut prendre une éternité ! s'exclame Julie.

- Je vous rappelle qu'on a un mois pour sortir de cet immeuble. Et justement, longer la limite nous permettra d'évaluer la taille de chaque étage ce qui nous aidera certainement pour trouver les autres portes.

- Elle a raison, je renchéris, prenons notre temps sur cette première épreuve afin de partir sur de bonnes bases.

- Épreuve ?! s'étrangle Noémie.

- Désolée, mais c'est comme ça que je vois ce qu'il nous arrive. Mais je sais que c'est un mot dur.

- On nous fait subir des épreuves...souffle Noémie, mais pourquoi ?

-On pourrait peut-être changer de sujet ? propose Arthur.

J'acquiesce. Je réfléchirais à tout ça plus tard. Pour l'instant, on doit se concentrer sur notre progression. Je vois Maël qui ferme la marche, les mains dans les poches, l'air perdu dans ses pensées. Il n'a pas prononcé un mot depuis le départ. Je ne vais pas le déranger. J'essaie de me concentrer sur le paysage. Même si c'est un faux, c'est tellement beau ! Il me rappelle une photo des forêts canadiennes dans mon livre d'histoire-géo. La lumière du soleil filtre entre les branches. De grandes roches  surplombent notre route, semblent nous dominer. 

J'en oublie presque les événements récents quand je sens sa présence. Mais pas que cette fois-ci. Je le vois, je l'entends :

  Merci, c'est grâce à toi.  

Il n'a pas changé depuis la dernière fois. Il continue de me parler. Je ne veux pas l'écouter mais il est...dans ma tête. J'essaie de le chasser de mon esprit mais je n'y arrive pas.

- Laisse-moi, laisse-moi ! je hurle.

Soudain, je réalise de quoi il me remercie. Je retiens un hoquet nauséeux.



Par ma faute, j'ai embarqué toute ma classe avec moi.



                                                                                             




DownstairsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant