Chapitre 18

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 - D E H O R S -


Célya :

"Restez avec nous, tout de suite Julia Michaels sur NRJ, après cette courte pause de pub..." J'éteins mon poste de radio avec lassitude, interrompant les trois premières notes du jingle d'intermarché. Je me laisse lourdement retomber sur l'oreiller en soupirant. Je pensais que passer un mois sans mon frère seraient les meilleures vacances de mon existence. Mais j'ai du mal à m'amuser avec ma double fracture du tibia accompagnée de son plâtre d'une tonne qui me démange et me scie littéralement la jambe à chaque pas. 

Comme je sors juste de l'hôpital après trois opérations, je suis autorisée à manquer une semaine de cours. La perspective  de passer toutes mes journées seule dans la maison, à crier autant que je veux, à regarder la télé et à fouiller dans la chambre de Maël m'avais plutôt réjouie au début. Mais je n'avais pas appréhendé la douleur atroce de ma jambe, qui était en fait la vraie raison pour laquelle j'étais autoriser à rester chez moi. Mes parents n'ont pas pu s'arrêter de travailler. L'un ou l'autre rentre simplement le midi pour me préparer à manger. Ma grand-mère est en voyage avec mon papy. Alors depuis deux jours, je m'ennuie à mourir, toute seule en me gavant de doliprane et en écoutant la radio pendant six heures d'affilées. Je voudrais bien faire des appels Skype avec mes copines, mais elles sont toutes en cours. 

Certes je m'ennuie beaucoup en ce moment, mais je m'inquiète aussi. Mon frère n'a absolument donné aucune nouvelle depuis cinq jours. D'accord, il n'a pas de réseau en Angleterre, mais je trouve quand même bizarre qu'il n'ait pas trouvé de wifi pour nous envoyer des messages par WhatsApp. Mes parents ne s'inquiètent pas. Du moins, pas autant que moi. C'est vrai, je suis peut être parano, d'après mon père "Maël a juste besoin de s'accorder un peu de liberté, c'est normal à son âge". Ils peuvent parler, la plupart du temps j'ai le droit de faire des choses que lui même n'a pas eu le droit de faire avant ses quatorze ans. Mais la loi aîné/benjamin est ainsi. Je n'y peux rien. Il y a deux jours, j'ai fais part à ma mère de mes inquiétudes à propos de l'absence de nouvelles de mon stupide frère. Elle m'a gentiment rassurée en disant que sa prof principale avait envoyé un mail assurant que tout se passait pour le mieux, que les élèves étaient ravis et faisaient énormément de progrès en anglais. 

- A-t-elle joint des photos récentes au mail? C'est peut-être un faux message après tout. On en sais rien et il n'y a aucune preuve. Si ça se trouve il est arrivé un truc horrible et Maël est en train de décéder dans d'atroce souffrances. Ou sinon, il est en train de s'enfuir aux Etats Unis avec une pin-up rencontrée dans un bar....

- Enfin chérie ne dit pas de bêtises, a dit ma mère, un sourire en coin, en m'ébouriffant les cheveux. C'est gentil de te soucier de ton frère comme ça, mais je te promets qu'il va très bien, d'accord ?

-Oui maman, ai-je dit en souriant pour lui faire plaisir, bien que je ne la croyais pas du tout.

Le soir, je suis allée voir dans les mails de maman sur son ordinateur : il n'y avait aucune photo du voyage. Maintenant que j'y repense, il y a bel et bien un moyen d'avoir directement des nouvelles de Maël. Je me frappe la tête : j'aurais du y penser plus tôt ! Je glisse de mon lit en prenant appui sur mon pied valide. Les orteils de ma jambe blessée frôlent tout de même le sol, m'arrachant un grimace de douleur. Je ramasse mes béquille en prenant garde à ne pas poser mon pied sur le sol, puis je m'élance dans la Ô pièce sacrée de la maison (à mes yeux en tout cas)  : la chambre de mon frère. 

Après ma chute en roller, je n'ai même pas encore eu le temps de fouiller dans son antre. Son absence est pourtant une occasion rêvée. Mais je ne pensais pas que me lancer dans les fouilles seraient dans le but d'avoir de ses nouvelles. Bien qu'il pense le contraire, j'adore mon frère. Il a peut être un humour pourri mais je suis deux fois pire que lui, donc je ne vais rien dire. Oui, je passe mon temps à le faire tourner en bourrique et gronder par les parents. Oui, je sais que je suis une sœur insupportable. Mais je l'aime de tout mon cœur, et je ne peux tolérer qu'il ne donne pas de nouvelles. Ça ne lui ressemble pas. Je ne m'attends pas spécialement à ce qu'il m'en donne à moi, sa sœur diabolique. Mais qu'il n'en donne pas à mes parents est très louche. 

DownstairsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant