Chapitre 20

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Maël :

L'eau glacée s'immisce dans jusque dans les moindres interstices de mon corps. Je ne sens plus mes membres. Mais mon esprit à l'agonie lui, est encore là. Plus pour longtemps. Le manque d'air est une torture, j'ai l'impression que mon cerveau est entré en combustion spontanée. Mes pensées s'embrouillent. Le liquide froid pénètre mes narines. Je gardes les lèvres obstinément serrée. Hors de question de flancher. Ça peut sembler débile, mais j'attends encore qu'un miracle se produise et que ce cauchemar cesse. Alors je continue à retenir mon souffle.

 Je sais que je ne ferai pas très long feu ainsi. Je me force à ouvrir les yeux. J'ai l'impression que de l'eau rentre par mes yeux, pénètre derrière mes orbites et me congèle le cerveau illico. J'oublie la douleur pour me concentrer sur le triste spectacle qui s'étend devant moi. Je regrette aussitôt d'avoir ouvert mes yeux. Partout, c'est l'agonie. Mes camarades ont perdu connaissance, pour la plupart ou luttent avec désespoir, comme moi. Nous sommes tous en train de nous noyer. 

Des taches colorées commence à s'incruster dans mon champs de vision. Je peux voir Louann couler comme une masse en face de moi. Je sens un main frôler la mienne. Celle de Mathilde. Je laisse l'eau glisser quelques instants entre nos deux peaux avant de la saisir.  J'exerce une pression sur sa paume pour lui montrer  que je suis encore là. Elle me répond aussitôt par une autre pression. Au même instant, nous ouvrons les yeux. J'attrape son autre main. Nous flottons ensemble. Alors c'est vraiment fini ? Game over ? Je me force à la regarder, malgré le froid de l'eau qui me pique les yeux, malgré le manque d'oxygène qui me vrille le crâne. Ses cheveux bruns flottent autour de son visage comme si elle était en apesanteur. Ses lèvres sont bleus, sa peau est blanche, ses mains sont douces. Belle image pour partir. J'espère que j'irai au paradis, vu toutes les horreurs que j'ai vécu. 

Ma vision se fait plus trouble.  Mes lèvres sont scellées et conservent mes dernières réserves d'oxygène. J'ai encore de l'air, je peux encore tenir. Mathilde croise mon regard, et ferme doucement les yeux. Elle a renoncé. C'est fini. Comme moi, elle a attendu un miracle qui n'est pas venu. Elle se soumet à la mort. Je la sens qui se laisse couler sans desserrer ses mains, m'entraînant vers le fond. J'imagine avec horreur son cadavre humide, pourri par l'eau, au milieu des autres morts de la classe. Cette vision m'est insupportable. Pas Mathilde. Pas elle. 

Alors je lâche ses mains attrape sa nuque, ramenant son corps contre le mien. Le rythme de mon cœur s'accélère. Certainement la vie qui est en train de me quitter....non ? Je revois le cadavre dans mon esprit et cette vision achève de me faire faire la chose, sans doute la plus inutile de tous les temps. Ou pas. 

J'appuie durement mes lèvres contre les siennes. Le seul détail qui me frappe, c'est leur froideur. Ses cheveux en apesanteur me chatouille le visage. De toutes mes forces, du plus profond de mon âme, j'expulse tous l'air qu'il restait dans mes poumons entre ses lèvres. Elle a renoncé devant l'absence du miracle qui devait nous sauver. Il n'était peut être pas trop tard. Cette fois, mon cerveau s'éteint, comme une bougie sur laquelle on souffle (ici, c'est plutôt la bougie qui s'est éteinte en soufflant elle-même). 



Je vois Mathilde ouvrir les yeux. Puis plus rien. 


DownstairsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant