Chapitre 12

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Louann :

Je regarde, impuissante, Léa sombrer dans le gouffre. Mes muscles sont paralysés. Je voudrais hurler, courir, passer à travers la vitre et sauter dans la fosse pour la retrouver. Mais je reste plantée là. Le souffle coupé. Un hurlement déchirant vient percer le silence du groupe sous le choc et me tire de ma transe. Je sursaute et avale une grande goulée d'air moite. Un seul nom me vient à l'esprit. Joelyne. Je laisse à peine le temps à mon esprit de former la rondeur des sonorités du prénom de ma meilleure amie, que je cours déjà vers elle. Son bras est encore bloqué sous la porte.

Je manque de m'évanouir à la vue de sa peau mutilée et de ses os broyés. Des bouts de peau s'accrochant fidèlement à leur membre disparaissent sous la cloison. Les muscles et les tendons saillent sous la chaire déchiquetée, vomissant un sang chaud et épais. L'artère a du être coupée. Si on ne fait rien, elle va se vider de son sang en même pas une heure. Je dois prendre une décision. Vite !

- Jean, passe-moi ton couteau et des allumettes. Vite ! dis-je en tâchant d'ignorer le gout salé des larmes qui coulent dans ma bouche.

- Oui, oui...tiens ! me dit-il avec empressement.

- Que vas-tu faire ? me demande Alice, une fille aux cheveux châtain très gentille, bien que parfois envahissante.

- Je vais lui couper le bras et brûler le moignon pour ne pas que le sang coagule et fermer la plaie. Puis il faudra lui faire un garrot avec une ceinture pour empêcher des caillots de se former.

- Et ensuite ?

- Prier.

C'est la seule chose qu'on puisse faire.

Je m'approche de Jo à demi-inconsciente et passe ma main dans ses cheveux rouges. Je commence par lui murmurer des mots rassurants à l'oreille.

- Maintenant Jo, on va s'occuper de ton bras. Ça risque d'être un peu douloureux, d'accord ?

Elle ne répond pas, des larmes s'écoulant lentement de ses yeux à moitié clos. Je ne sais pas si elle m'entend, ou même si elle est vivante. Eimen qui a l'habitude de porter une ceinture vient me la donner, en tâchant de détourner la tête du corps disloqué de mon amie. Simon, un brun bouclé plutôt sympathique, bien qu'un peu tête de mule, m'aide à la serrer autour du bras de Jo. Celle si pousse un hurlement à fendre l'âme. Je m'arme de courage (j'en viens encore à me demander comment j'ai pu faire ça) et commence à découper lentement les petits lambeaux de chaire coincés sous la paroi. Jo gémit, mais trop peu à mon goût. J'essaie d'accélérer avant que sa blessure devienne fatale.

Le sang poisseux colle à mes doigts, s'incruste sous mes ongles. Son odeur métallique me donne la nausée. Et pourtant, je continue. Je suis enfermée dans une bulle. Les autres sont inexistants. Seul sauver Jo m'importe. D'ailleurs elle ne parle plus. Ses yeux se sont fermés.

- Courage Jo. Reste avec nous.

Je resserre encore un peu le garrot. Mes doigts laissent des empreintes collantes et ensanglantées sur le cuir brun de la ceinture. Sans quitter le bras mutilé des yeux, je tâtonne à mes côtés à la recherche de la boîte d'allumette. Je parviens à refermer la main dessus. C'est maintenant que tout se joue. Jo, je m'apprête à brûler ton bras. Après ça, il n'y a plus aucune chance que tu puisse utiliser ta main un jour. Je prends une grande inspiration, frotte l'allumette contre la partie rugueuse du boîtier et approche doucement la flamme des restes de muscles en bouillie. Le tout prend rapidement feu, tel un morceau de viande sur un barbecue. Non n'y pense pas.

Le reste de son bras encore coincé sous la porte se consume doucement. Je mets de côté mon dégoût pour cette scène insurmontable et tire doucement sur son membre. A partir de l'endroit où l'os a été écrasé, le corps de mon amie se détache de la cloison avec une facilité répugnante, sans les muscles à présent réduits en cendre pour le retenir. Malheureusement, je ne suis pas encore tirée d'affaire, il faut que je parvienne à découper proprement au niveau de la liaison entre les os de l'avant-bras et l'humérus.

DownstairsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant