Sans même s'en rendre compte ils avaient finis par s'endormir l'un contre l'autre. Le chagrin les avait épuisés. Heureusement le séjour arrivait à sa fin et ils devaient rentrer ce soir sur Seattle et Lucie à Boston le lendemain.
Ayden prit conscience de ce qui l'importait vraiment : ses proches. La mort des siens l'avait tant marqué qu'il préférait vivre chaque instant comme si c'était le dernier. Il prit alors l'initiative d'organiser un dernier pique-nique romantique au lac de Côme. Il avait amené tout un tas de spécialités italiennes, notamment des pâtisseries qui étaient le pêché mignon de Lucie comme des panna cotta, des cannolis à l'orange, du tiramisu ou encore des cassota. Même si Sonia n'aimait pas le « cliché », elle appréciât les roses qu'il lui avait achetés, il avait choisi avec évidence des baccaras. Le cadre était idyllique, il y faisait bon vivre. Il y avait un doux soleil, il ne faisait ni trop chaud ni trop froid et peu de monde était présent à cette période. C'était une bonne façon de tirer un trait sur tout ce qu'il s'était passé durant ce séjour en Italie. La peine et la douleur animaient toujours leur cœur, mais tout en pensant à leurs proches, ils partageaient de bons moments en leur mémoire afin que les bons souvenirs qu'ils auraient voulu construire ensemble ici, soient tout de même accomplis...
Finalement ce fut une année très intense partagée entre des moments de bonheur et de tristesse profonds. Ils avaient surtout appris à dépasser leurs faiblesses, leurs peurs et à apprendre à se connaitre en dépassant ce que leur donner à voir les apparences. Parce que n'était-ce pas ça depuis le début : une histoire d'apparences ?
Plus que connaître l'autre, tous avaient appris à vaincre leurs limites et à se connaître véritablement eux-mêmes. Ce qu'ils voulaient vraiment, ce qu'ils n'osaient pas s'avouer, leurs rêves, tout avait implosé avec ces différents évènements. Tous les avait amenés à changer et à modifier leur vision des choses. C'est peut-être pour cela que l'on dit souvent qu'un temps de malheur s'accompagne d'un temps de bonheur.
En se développant personnellement, on opère des modifications qui perturbent temporairement notre cocon ou le font éclater, on provoque des choses qui peuvent être bonnes ou bénéfiques comme tout à fait mauvaises ou contreproductives. Les évènements douloureux nous changent aussi et nous amènent à se rendre compte de ce qui compte vraiment.
La soif de justice est-elle productive lorsqu'on en arrive à ce point ? Pleurer est-ce réellement un défaut, n'est-ce pas plutôt d'accepter ses émotions en face des autres qui demande davantage de courage et de force ? Parce que fuir et se protéger derrière un masque est parfois bien plus facile...
Ce sont toutes ces choses qui changèrent Sonia et Ayden, mais aussi tous les autres, Amélie, Alex, Lily... Peut-être Night ? Enfin il ne faut peut-être pas trop en demander.
Celui-ci avait d'ailleurs disparut sans donner plus de nouvelles, de toute façon ce n'était pas vraiment son genre.
En rentrant à Seattle malgré une année de cours à moitié manquée, Sonia et Ayden durent en dépits du traumatisme de ces évènements terribles, passer leurs examens. Sonia avait peur d'échouer et s'était remise à travailler acharnement sans se reposer une seconde. Son travail et sa culture déjà acquise payèrent, elle réussit haut la main. En revanche, elle fut tout aussi surprise de voir que c'était le cas également d'Ayden qui avait finalement des atouts dans sa manche depuis le début, lui aussi avait porté un masque tout du long. A eux deux et pour attiser la colère d'Amélie à leur égard, ils eurent les meilleurs résultats de l'établissement. Ils avaient travaillé dur en pensant aussi à Alex et Lily. Ils souhaitaient dorénavant vivre en les honorant et en vivant ce qu'on leur avait arraché bien trop tôt. C'est à cette période-là qu'ils durent penser à leur avenir : qu'allaient-ils faire maintenant ?
Sonia se demandait ce qu'il adviendrait du lycée à leur départ. Est-ce que le harcèlement continuerait ? Certainement. Mais elle aurait malgré tout marqué certains esprits à jamais, elle ne partait pas sans laisser de traces et son travail aurait forcément un impact sur les années à venir. C'était déjà selon elle et pour son âge, une petite victoire. Avoir réussi à imposer un climat un peu moins pénible pour étudier ou limiter quelques conséquences du comportement nocif que pourraient avoir certains élèves sur d'autres, l'importait beaucoup. En revanche, elle ne savait plus quoi penser de ces valeurs qu'elles trouvaient finalement trop utopistes... Maintenant qu'elle avait du sang sur les mains, que devait-elle en faire ?
Tout bonnement c'est Ayden qui lui donna un jour la solution.
— Rejoins-le.
— De ?
— Le gang.
Cette fois elle ne se mit pas à rire aux éclats.
— Pourquoi pas.
— Tu n'es pas sérieuse ?
— Je le suis entièrement.
Il y eut quelques secondes de silence avant qu'il n'ait un grand sourire.
— Tu as changé d'avis.
— Au fond il faut bien l'avouer, même sans jamais avoir voulu y adhérer ni le tolérer, j'y ai beaucoup été mêlée et j'y ai beaucoup contribué.
— Je rêve ou ma Sonia pleine d'égo et de fierté vient d'admettre ses incohérences ?
— Oh la ferme idiot.
Ils rirent, ce n'était pas sans leur rappeler d'anciennes conversations qui ont aujourd'hui bien évoluées.
Sonia devint alors aux côtés d'Ayden, cheffe de gang. Si on lui avait dit un jour qu'elle serait à la tête d'une telle organisation, elle aurait ri au nez de beaucoup de gens. C'était un peu paradoxal pour une justicière telle qu'elle, mais elle y trouva son compte et Ayden lui avait assez prouvé ses valeurs.
Finalement le gang, on s'y fait entrainer sans parfois s'en rendre compte et il est difficile d'y échapper parce qu'il finit toujours par nous rattraper. C'était le cas de Sonia, les mains déjà souillées elle ne s'en extirpait plus. Or ce gang en particulier, pouvait peut-être posséder des valeurs proches des siennes, qui sait ? En étant à la tête de celui-ci elle pourrait peut-être faire évoluer les choses pour l'inscrire davantage au service des autres et des « bonnes causes ». C'est en tout cas ce qu'elle s'était mise à penser.
C'est aussi sur cet accord qu'ils décidèrent de changer d'air. En effet, quelques temps après être rentrés à Seattle, ils revinrent en Italie afin d'organiser les funérailles de leurs chers amis au Cimetière Monumental de Milan. Ils souhaitaient que leurs êtres chers puissent reposer définitivement en paix dans un lieu digne de les honorer. Sonia orna ainsi la tombe de Lily de magnifiques roses blanches et roses en y déposant avec ses peluches préférées, tandis qu'Ayden déposa des fleurs plus modestes sur celle d'Alex accompagnées de sa manette de console préférée. Des gestes dérisoires, mais qui comptaient beaucoup à leurs yeux. A cet instant, ils se rendirent compte qu'ils ne se sentaient pas capables d'être aussi loin d'eux et décidèrent après l'intégration de Sonia, de s'installer ici en fêtant cela par un nouveau pique-nique au lac de Côme.
VOUS LISEZ
Une histoire d'apparences.
Ficção AdolescenteDans mon lycée, cohabitent deux espèces animales particulières, ou plutôt deux phénomènes : une intello réservée qui "aime" se faire martyriser, et une insociable qui monte sur ses grands chevaux pour protéger les plus faibles. Tout les oppose, bien...