CHERUB : RE

2. Les limbes du sommeil

Une lueur aveuglante embrassa sa vision. Riley prit quelques secondes à comprendre qu'un néon se trouvait juste au dessus d'elle. Tournant la tête, elle ne put s'empêcher de lâcher un cri de douleur. Son crâne lui était extrêmement douloureux.

La porte entrouverte laissait entendre des paroles étouffées, mais la fillette était dans l'incapacité de les comprendre.

- Hé... Y'a quelqu'un ?, dit-elle aussi fort que possible.

Sa gorge lui paraissait étrangement sèche, chaque parcelle de son corps semblait s'enflammer de douleur et elle ne se souvenait plus de rien. Les murmures se turent et quelques secondes plus tard une femme en blanc accourut devant Riley. Une infirmière.

- Ah, tu te réveilles enfin !, dit-elle.

- Je suis à l'hôpital ?, questionna la jeune fille. Mais pourquoi ?

La dernière chose dont se souvenait Riley était qu'elle s'était couchée vers 22 heures, la veille.

La femme en blouse blanche la regarda à la dérobé, tout en arrangeant l'oreiller.

- Je ne pense pas être la mieux placée pour répondre à ta question. Tu as mal quelque part ?

- Ça me fait bizarre à la tête. Mais ça va aller.

Riley avait l'étrange sentiment que quelque chose clochait. Elle fit mine de se lever mais la dame s'empressa de la recoucher.

- Non ne bouges pas. Je reviens de suite.

Et elle s'éclipsa.

La fillette tourna la tête de l'autre côté et constata que son poignet gauche était relié à une sorte de sac opaque. Elle ne comprenait vraiment pas ce qui avait bien pu se passer. Pourtant un certain malaise ne la quittait plus.

La porte s'ouvrit à nouveau. Une autre femme apparut dans l'encadrement. Brune, extrêmement maigre.

- Bonjour, je m'appelle Jennifer Mitchum. Je suis psychologue. Comment te sens-tu ?

Riley haussa les sourcils, surprise qu'une psychologue se présente à elle. Mais c'était peut-être l'occasion de comprendre ce qui se passait.

- Bizarre, admit-elle. Mais il s'est passé quoi ?

- Bon je ne vais pas aller par quatre chemins dans ce cas-là, soupira la dame brune. Nous ne sommes sûrs de rien vu qu'il n'y a aucun autre témoin que toi... Mais tu ne te souviens de rien, apparemment ?

- Non, venez-en aux faits, la pressa la fillette.

- Il y a deux jours, un voisin a averti la police en entendant en plein milieu de la nuit des cris venant de ton appartement. En arrivant, les forces de l'ordre t'ont trouvé rouée de coups, et ton père... A sauté par la fenêtre.

- Il est mort ?

- Oui, je suis désolée.

Un curieux sentiment envahit Riley. Elle n'avait jamais spécialement ressenti de l'affection pour son père à cause de ses maltraitance mais... Elle était vraiment seule maintenant.

- Qu'est-ce que je vais devenir, maintenant ?, demanda-t-elle d'une voix étranglée.

- Tu iras dans un foyer pour jeunes. Mais avant cela tu dois te reposer, dit fermement la psychologue.

Riley ouvrit de grands yeux.

- Quand mon père était là, personne n'est venu m'aider et pourtant je galérais. Maintenant je n'ai plus besoin de personne !, s'écria-t-elle en pointant un doigt rageur vers Jennifer.

Celle-ci ne s'énerva pas, sans doute habituée à ce genre de remontrances.

- Que veux-tu dire ?, s'enquit-elle.

- Il n'arrêtait pas de boire, il me faisait peur. Généralement il restait dans le salon à casser des trucs mais si je l'appelais...

Riley commença à sangloter sans cesser de bafouiller.

- Il m'enfermait dans l'armoire jusqu'au lendemain ! J'avais trop peur dans le noir, et à l'école ensuite j'avais mal partout. Je me suis démerdée pour manger pendant longtemps, je ne veux pas aller dans un foyer de fous. Je n'ai pas besoin de vous...

La maigre femme resta muette. La fillette se frotta derrière la tête mais sentit un quelque chose d'étrange. Comme des fils.

- Qu'est-ce que j'ai au crâne ?!, s'exclama-t-elle, horrifiée.

- Ce sont des points de suture, rien de grave mais le docteur a du te raser une petite partie de tes cheveux. Ça repoussera vite. Mais pour revenir à ce que tu disais...

Riley n'écouta pas davantage. Elle débrancha le drôle de fil relié à elle et se leva difficilement.

- Recouches toi ! Qu'est-ce que tu fiches ?!, s'exclama Miller en se précipitant vers elle.

- Je veux voir ma tête. Me touchez pas, grogna en retour la fillette.

Ignorant ses propos, l'adulte la prit sous le bras et la soutint jusqu'à la petite pièce adjacente, comportant un lavabo et un miroir. Riley ne se débattit pas, bien consciente qu'elle était bien incapable de se déplacer seule. Se regardant dans la glace, elle eut un mouvement de recul.

La jeune fille lui rendant son regard dans le miroir était méconnaissable. Son visage semblait étrangement gonflé, des tâches bleues à violacées avaient envahi ses joues, son front...

Elle sentit à peine Jennifer la raccompagner à son lit.

- Reposes-toi, nous aurons bien le temps de reparler plus tard, chuchota-t-elle.

Confuse, la fillette tomba immédiatement dans les limbes du sommeil.