1. Au beau milieu de la nuit

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22 NOVEMBRE 2011

- Evans, excellent. Johnson, très bien..., annonçait une femme au chignon sévère en distribuant des copies à une classe.

Riley Evans attrapa son test de mathématiques pour constater avec satisfaction qu'elle avait encore eu la note maximale.

- T'es qu'une bâtarde, lui chuchota sa camarade devant.

Anna Johnson, la snobinardise elle-même, l'égocentrisme dans toute sa splendeur. Elle ne cessait de persécuter quiconque se mettant en travers de son chemin, dans sa quête de gloire et fortune - dont la première place en évaluation.

L'insultée l'ignora cérémonieusement, elle commençait à avoir l'habitude de telles profanations. Sous la table, ses doigts tremblaient néanmoins.

- Ton père n'est qu'un vieux fou. Tu ne lui ressembles même pas. D'ailleurs je ne sais pas si c'est le mieux pour lui ou pour toi.

- Crache ton venin ailleurs, salope, lui murmura Riley qui commençait à perdre patience.

- La salope, c'est plutôt ta mère, non ?

La fillette se leva d'un bon, hors d'elle.

- Evans, asseyez-vous immédiatement, ordonna d'une voix acerbe la professeure qui avait tout manqué de l'échange.

*****

Ulcérée d'avoir passée le reste du cours sous le regard moqueur de Johnson, Riley se précipita dehors dès la sonnerie. La tête basse, elle fondit la foule de parents qui accueillaient avec tendresse leurs enfants, pour rentrer chez elle. Son immeuble n'était guère loin du collège, mais ses hauts murs décrépis contrastaient étrangement avec les briques rouges rutilantes de l'établissement privé. La jeune fille avait obtenu une bourse pour son entrée au collège au vu de ses excellents résultats, ce qui lui valait maintes et maintes railleries de la part de ses camarades. Comment une fille d'alcoolique parvenait à se hisser à leur hauteur ?

Folle de rage, Riley gravit quatre à quatre les marches d'escaliers jusqu'au cinquième étage, l'ascenseur étant en panne. Elle sortit son trousseau de clés et déverrouilla la lourde porte avant de se glisser dans l'ouverture.

- Et merde !

Une substance fétide traversa ses semelles. Des bouteilles brisées jonchaient l'entrée. Son père avait encore fait des siennes. La fillette évita avec précaution les éclats de verres pour aller prendre une serpillère. Si la voisine débarquait, comment pourrait-elle justifier un tel bazar ? Étrangement, son père était toujours passé entre les mailles du filet et ne cumulait aucune dette malgré son chômage et son alcoolisme apparent.

Une fois sa tâche accomplie, Riley se rendit dans la salle de bain. Énervée, elle détacha ses cheveux d'un blond sale et jeta ses chaussures dans la baignoire.

La vieille pendule à la vitre brisée affichait déjà 17h45.

La jeune fille entra dans sa chambre et se mit devant ses devoirs. Ses motivations étaient toutes autres que la majorité des autres gamins de sa classe. Elle voulait réussir pour s'en aller loin, loin d'ici... Ou pour parvenir à raisonner son père. Celui-ci ne sera sans doute rentré que tard dans la nuit.

À 20 heures, il n'était en effet toujours pas là. Riley prit dans la cuisine un énième sachet de nouilles instantanées et mit l'eau à bouillir. Elle n'avait aucune connaissance en cuisine et se contenait d'acheter les plus simples choses à préparer à la supérette du coin. Elle ne parvenait toujours pas à comprendre comment son père pouvait lui fournir de l'argent à chaque fois qu'ils étaient à cours de réserve.

Au beau milieu de la nuit, une odeur putride réveilla en sursaut Riley.

- Coucou mon petit ange, murmura une voix.

La fillette reconnut directement la voix de son père.

- Papa ! Il est trois heures du matin et j'ai école demain, laisse moi dormir !, protesta-t-elle.

- Tu as bien du temps à consacrer à ton papa chéri, susurra-t-il.

Elle alluma la lumière, pour voir les yeux fous de son paternel roulant dans ses orbites. Il avait encore bu plus que de raison, de toute évidence. Sans ménagement, elle le repoussa.

- Tu pues, fous moi la paix !, cria-t-elle alors qu'il tendait sa main.

Le cœur serré, Riley entendit les pas lourds de son père craquer les planches du parquet de sa chambre. Elle se cacha sous la couette, détestant ces réveils de plus en plus fréquents.

- Alors comme ça tu ne veux pas de ton papa ?

La voix était semi tremblante, semi furieuse. Il était totalement défoncé. La fillette ne répondit rien.

- Tu sais, nous ne sommes plus que tout les deux maintenant, nous devrions bien nous entendre, ma petite princesse. Et nous resterons toujours que tous les deux.

L'esprit embrumé de Riley commença à s'agiter. Tous les sales coups de Johnson lui revinrent en mémoire. Ses traitements injustes étaient à cause de lui, cet idiot qui s'était déjà présenté aux portes du collège complètement bourré sans cesser d'appeler sa fille.

- Je partirais loin d'ici dès que possible !, clama-t-elle en se relevant d'un bond, écartant sa couette. T'es vraiment qu'un crétin, laisse moi tranquille !

Son père leva les yeux vers elle. Froids, vides. Elle se dit qu'elle n'aurait pas du aller si loin, il n'était pas dans son état normal. Avant qu'elle ne puisse esquisser un quelconque mouvement, une main lui saisit le col de son pyjama pour la faire basculer du lit. Elle cria.

- Vas-tu te taire, sale petite chose. Tu me casses les oreilles.

La voix grave était méconnaissable. Jamais son père ne s'était fâché auparavant. Mais Riley était bien trop effrayée.

- Laisse-moi, laisse-moi !, hurla-t-elle se débattant.

Elle reçut un coup de poing dans l'estomac et se recroquevilla, sans parvenir à se défaire de l'étreinte. Les propos de son paternel étaient maintenant inintelligibles, tandis qu'il la secouait comme un pommier. Soudain, Riley ressentit une nette douleur glacée à l'arrière de sa tête et tout devint noir.

CHERUB : REOù les histoires vivent. Découvrez maintenant