Will et Sarah

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Will observa Sarah qui touillait son chocolat chaud avec énergie.

Il la connaissait suffisamment pour y voir une manifestation évidente de son stress.   Ce n'était pas la simple  idée de prendre l'avion qui l'angoissait, mais plutôt celle de partir une semaine à l'autre bout du monde en vacances, seule, le sac au dos et son carnet dessin pour seule compagnie. 

Elle allait y chercher des idées pour sa nouvelle bande dessinée sur le thème du voyage d'un aborigène. Et Sarah était vraiment une bonne illustratrice. Elle puisait son inspiration d'un imaginaire débordant mais cherchait toujours à avoir l'image la plus ressemblante du sujet qu'elle devait représenter.

Mais jusque là, ils avaient souvent voyagé ensemble, aujourd'hui c'était une des rares fois où elle prenait le large sans lui.

Nostalgique de leurs voyages d'autrefois, il alpagua la serveuse et lui fit signe de se pencher. La jeune femme ne s'offusqua pas de cette demande d'un client si charmant, il avait toujours eu beaucoup de succès et en jouait sans vergogne.

— Mademoiselle, cette jeune femme que vous voyez là est apeurée ... Oui, je dis bien apeurée ! Et vous êtes la seule à pouvoir la sortir de cet état de torpeur.

— Moi ? Comment ça ?

— Elle est accro au biscuit que vous donnez avec le café, je suis sure que si elle pouvait en avoir un ou deux de plus elle en oublierait ses tracas. Vous savez ceux qui craque sous la dent et qui sont enrobés de chocolat. HUmmm.

Il se lécha les lèvres comme pour appuyer ses dires. Sarah lui avait pourtant dit un jour que ce geste était réservé aux femmes dans l'art de la drague mais comme jusque là, il s'en sortait mieux qu'elle, il estimait ne pas avoir de leçon de séduction à recevoir d'elle.

— Votre petite amie a le trac?

— Ce n'est pas ma petite amie mais ma meilleure amie. Et elle est terrorisée.

Il avait assorti sa confidence d'un clin d'œil entendu signifiant ainsi qu'il était célibataire

La jeune femme lui retourna son sourire et ajouta, minaudant outrageusement.

— Vous savez, je ne sais pas si j'ai le droit.

— La loi c'est moi, je suis inspecteur de police ma belle.

En face de lui Sarah releva la tête et secoua son joli menton d'un ai réprobateur. Quand la jeune serveuse fut parti elle le sermonna.

— Tu es obligé de faire ça ?

— Quoi ? 

— Draguer en permanence, en plus, honnêtement c'est pathétique, on se croirait dans un mauvais film érotique avec des répliques à deux balles.

— Mais justement c'est ça qui est amusant non ?

La moue mi-figue mi-raisin qui lui répondit le frustra, il était plutôt sexy, il le savait et jusque là, il avait toujours trouvé qu'il était amusant en prime.

— Ce n'est pas parce que ça ne marche pas sur toi que mon charme n'opère chez personne.

Elle eu un immense éclat de rire qui se répercuta dans l'espace comme des milliers de petits cristaux, il aimait son rire, c'était communicatif. Il se détendit.

— Comme si un jour tu avais voulu me draguer.

Effectivement, il eut beau réfléchir, l'idée ne lui était jamais venue, Sarah c'était sa meilleure amie ! C'était sacré. 

La serveuse revint et déposa sur la table une poignée de petit biscuit en frôlant de son opulente poitrine l'épaule de Will qui se laissa faire. Assez satisfait de lui-même il décocha un regard entendu à Sarah "Tu vois que ça marche" avait-il envie de lui dire.

Mais Sarah ne le regardait plus, elle avait les yeux rivés sur la porte d'embarquement et se leva d'un bond. Il du presque la suivre en courant avec les mains chargés de son butin biscuité.

— Souhaites-moi bonne chance !

— Tu vas déchirer ma belle. Tu vas revenir avec des images à couper le souffle.

Un sourire fugace passa sur le joli visage de Sarah qui le dévisagea un instant.

— Prends soin de toi Will parce qu'à mon retour je vais te botter le cul à la course à pied.

— Prends soin de toi ma Sarah parce que ça n'arrivera jamais ! Tu contempleras toujours mon dos musclé et mon beau fessier.

A la fois amusée et agacée, elle posa délicatement sa main sur sa joue et fit une petite caresse.

— C'est mignon ce narcissisme chez un homme de ton âge.

— Heeee je n'ai pas encore trente ans !

— Non mais ce qui est bien avec toi c'est que tu ne change pas, dans trente ans, tu seras toujours pareil, physiquement diminué mais le même séducteur patenté... Et moi aussi en quelque sorte, je serais pareille.

— Comment ça diminué ? Tu m'imagines comment dans trente ans ?

Avec son air concentrée, elle le laissa mariner un moment avant de répondre avec malice.

—Tu seras sans doute bedonnant malheureusement et munis d'un double menton malgré ta tentative de garder la forme mais tu auras encore beaucoup de charme, ce qui attirera tes collègues désespérées qui se jetteront à tes pieds, en pleurant et se roulant par terre à tel point qu'elles s'en casseront le col du fémur.

  —  Pff, allez vas t'en au lieu de dire des bêtises.

 Elle semblait si farfelue et pourtant si fragile à débiter ses âneries qu'il la pris tout de même dans ses bras et huma le parfum de ses cheveux, il aimait bien cette odeur, ça lui arrivait même de piquer son shampoing quand ils partaient ensembles en vacances. Une petite pointe de monoï qui donnait perpétuellement l'impression qu'elle revenait d'un voyage aux îles.

Il resta longuement à regarder les passagers embarquer jusqu'à ce que les cheveux bruns de sa meilleure amie aient complètement disparu de son champ de vision. Il s'autorisa alors à rentrer chez lui.

Elle allait lui manquer même si ce n'était qu'une semaine.


 Et ce fut la dernière fois qu'ils furent Will & Sarah.

Celui qui reste (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant