C'est du coton !

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Mercredi 12 juin 2002

          

Sarah avait les deux poings sur les hanches et le regardait d'un air menaçant. Sentant que ce n'était pas le moment, Will se retint de rire, elle ne ressemblait à rien ainsi. Ses vêtements étaient trempés, ses longs cheveux retombaient comme une vieille serpillière le long de ses joues ruisselantes. Il pouvait presque sentir le chien mouillé.

—Et maintenant monsieur météo ? s'écria t'elle

—   Ecoute Sarah, il ne devait pas pleuvoir, je n'y peux rien.

—   Ah non ?

—   Non. Respire un grand coup. Nous allons trouver un abri et attendre la fin de l'averse, profite-en pour admirer le paysage, c'est tellement beau !

Il tendit les bras pour désigner le paysage avec emphase, il était béat devant tant de splendeur. Les collines qui se dessinaient au loin et s'effaçaient peu à peu au gré de la brume.

Il s'était attendu à ce qu'elle partage son enthousiasme mais se retourna, surprit en l'entendant grogner.

—   Il faut que je t'avoue quelque chose Will.

—   Quoi ?

— Je me fous de ton paysage, en fait, je n'en peux plus.

—   Mais non, tu dis ça parce que tu es fatiguée.

—   Non, parce que je m'en tape !

Presque choqué, il se retourna vers elle et balaya l'air avec sa main

—Tu veux dire que tu n'aimes pas ça ?

—   Oui, je veux dire que je n'aime pas.

Elle lui parlait avec exaspération tandis qu'il regardait alternativement le paysage et sa meilleure amie.

— Alors tu n'as aucun goût !

—   Et toi, tu es un crétin et un pervers narcissique.

— Je ne vois pas le rapport.

— Je me comprends.

—   Bien, trouve ton abri toute seule, parce que moi et les Cévennes nous allons rester ici.

—   Sur ce rocher ?

Il hocha la tête, et avec un petit air sadique, il avait lui tendu la carte en entourant l'emplacement de l'abri. Quand elle partit furieuse et d'un pas décidé, il agita la main dans sa direction.

— Bon courage !

Bien plus tard, il l'avait rejoint, la trouvant en train d'écrire une lettre à sa sœur chérie.

— Allez ma pupuce, ne reste pas fâchée, je vais te faire un chocolat chaud.

D'habitude, elle l'aurait envoyé bouler mais cette fois-ci, elle fondit en larme.

— Sarah ? C'est la fatigue ? Je suis désolé, je suis un connard égoïste, on va se reposer et on ira à ton rythme.

Il était affolé, jamais elle ne craquait, c'était le jeu entre eux de se taquiner, il se précipita pour la prendre dans les bras.

Elle avait reniflé contre son épaule et continué de pleurer longtemps, ça lui avait brisé le cœur de la voir si malheureuse, il avait l'impression qu'il y avait autre chose mais avait il avait préféré attendre qu'elle se confie si elle le souhaitait. Au lieu de ça, elle avait relevé le visage vers lui, le dévisageant et il avait retenu son souffle, elle était jolie finalement ! Elle ferait des ravages quand elle se déciderait à se trouver un mec bien mais ce n'était pas gagné, il ne l'avait vu qu'avec des pauvres types jusque là. Enfin avec un pauvre type qu'il s'était empressé de faire fuir.

— Will...

Il sentait son souffle sur sa joue mal rasée, elle avait les lèvres entrouvertes, comme un con, il crut qu'elle allait l'embrasser, évitant le baiser, il releva le menton et posa ses lèvres sur son front.

— Oh la la, tu es fiévreuse ma belle ! La preuve, j'ai cru que tu allais me rouler une pelle.

— C'est parce que je t'aimeeeee.

Elle avait mimé des petits baisers humide dans l'air, les yeux brillants avant de se mettre à claquer des dents. Rapidement, il l'avait aidé à quitter ses vêtements trempés, l'avait frictionné et installé dans son propre sac de couchage bien plus épais que le sien.

— Je vais prendre soin de toi Sarah, tiens avale ça, c'est du doliprane. Ce n'est qu'un coup de fatigue, si tu vas mieux demain, on descendra au village et on prendra une vraie chambre, je te ferais couler un bain ...

Elle sourit en passant la main sur son visage et chuchota.

— Tu es parfait.

Puis il lui sembla qu'elle bafouillait quelque chose comme "c'est bien ça le problème" mais n'en fut pas sur.

Il se colla contre elle pour lui tenir chaud le temps qu'elle s'endorme tout en caressant ses cheveux.

— C'est doux, c'est du cachemire ?

Dans son demi-sommeil, elle se mit à rire et lui mit une tapette sur l'avant bras.

— Non, c'est du coton.

En référence à la "cité de la peur", un film complètement décalé qu'ils adoraient.

— Dors mon cœur.

— Parce que maintenant je suis ton cœur ?

— Tu es le milieu de mon cœur Sarah, la plus amie de toute mes amies.

— Dis plutôt que je suis la seule.

Il voulu répondre mais il entendit le souffle régulier et posa sa joue contre son dos.

Celui qui reste (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant