Le cadran cassé

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15 mai 2004

William entra dans le deux pièces de Sarah avec sa clef et ouvrit tous les rideaux d'un coup sec. Elle s'était encore endormi devant une série sur son canapé.

— ça pue le phoque là-dedans, lève-toi !

— Laisse-moi. Et rends-moi mes clefs, t'es chiant à débarquer comme ça, sans prévenir.

Il lui mit son cadran de montre sous le nez.

— Excuse-moi ? On avait rendez-vous à dix heures ce matin pour que je t'apporte ton petit déjeuner au lit. 

Il avait perdu un pari contre elle la veille. En prenant soin de faire le plus de bruit possible, il se dirigea vers la cuisine.

— C'est vraiment un appartement pour gobelin que tu as, en deux pas je passe du salon vers la cuisine.  

— Vas t'en ! Je suis moche comme tout en plus.

— Mais non, tu es belle comme un coquelicot cueilli il y a trois jours. Et je ne m'en vais pas, je suis venu te rappeler que nous allons au restaurant ce soir.

— Fêter quoi ?

— ça fait dix fois que tu me le demandes, je ne te le dirais toujours pas.

*

Tout à coup, bien plus attentive, elle se redressa et croisa ses jambes sous elle.

  — Tu as intérêt à me faire une méga surprise avec tout le suspense que tu y mets. 

— ... Je ne trouve pas le tondeuse ... ?

  —  Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

Elle se tourna vers lui, il était debout, figé vers le placard et elle crut voir le coin de sa bouche former un angle bizarre.

— Will ?

— Où est le ...  

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'elle le vit s'affaisser de tout son long dans la cuisine, elle se précipita mais ne put lui éviter de se cogner la tête contre la chaise.

  — Will !!! Oh mon Dieu !

Elle le secoua avant d'essayer de se rappeler ses gestes de secouriste, elle le mit en position latéral de sécurité tant bien que mal, gênée par l'étroitesse de la cuisine puis fonça chercher son téléphone en pleurant. Il lui fut impossible de remettre la main dessus, car, comme à chaque fois qu'elle en avait vraiment besoin il était introuvable ! Paniquée, elle sortie dans le couloir en suppliant le ciel qu'il s'en sorte.

Je vous en supplie... Je ferais tout ce que vous voulez mais rendez-le moi.

Elle criait à l'aide dans la cage d'escalier quand elle entendit William l'appeler faiblement.

 — Will ? Tu vas bien ?

 — Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il tentait péniblement de se relever mais buta à nouveau dans la chaise.

— C'était quoi ça ? Tu m'as foutu en PLS dans les pieds de la chaise ?

—  Tu ... Tu vas bien ?

— A peu près à part que j'ai une bosse de la taille d'un œuf ! Merde ! Ma montre est cassée ... Sarah ? 

*

Elle pleurait contre son épaule, désarçonné, il lui passa la main dans le dos et tapota.

— Je vais bien ma flipette.

— On va aller à l'hôpital ! On aurait dit un AVC, tu m'as demandé où était la tondeuse et ta bouche ...

— Chut ! Calme-toi. ça ne sert à rien, je me sens bien.

—  On va à l'hôpital !

 — Je ne vais nulle part, j'ai rendez-vous pour aller chercher ton cadeau pour ce soir.

—  Je me fous de ton stupide cadeau, je veux que tu ailles te faire soigner.  

— Sarah, tu en fais des tonnes ! Regarde mon petit cœur, je vais bien.

— ... Puisque tu le prends comme ça, tu peux aller mourir ailleurs que chez moi.

— Et en plus tu es susceptible.

— On ne t'as pas appris à parler aux femmes ?

— Ah ! Tu es une femme ? 

Il pris un air surpris et jeta des coups d'œil étonné autour de lui avant de poser sa main sur sa poitrine et de la retirer comme s'il s'était brûlé.

— Mais... Mais tu ne me l'as jamais dit. 

Il ne se rendait pas compte qu'il s'enlisait, elle le foudroya du regard et alla lui ouvrir la porte en lui désignant la sortie. 

—A ce soir !

— Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

— Crétin !

— ... Sarah ?

— Tu as de la chance que je ne t'ai pas giflé. 

Mais elle leva la main en signe d'au revoir et lui claqua la porte au nez.


Le soir dans le restaurant bondé, il lui offrit avec cérémonial son cadeau, une bague irlandaise avec des mains enserrant un cœur, il l'avait cherché partout pendant plusieurs jours pour lui en faire la surprise en souvenir de leurs vacances en Irlande. 

Puis il prit son verre et le fit tinter.

— Allez, à moi, tu es prête pour ma grande nouvelle ? Tu as devant toi l'inspecteur Payot. Le très perspicace, le très promettant William Payot de la PJ.

— Très promettant, je ne sais pas, mais perspicace, certainement pas !

Un peu déçu de son manque enthousiasme, il reposa son verre et la regarda droit dans les yeux.

— ça va Sarah ? Tu n'as pas l'air contente ? Je pensais que tu serais heureuse de voir que mes efforts et ton soutien ont payé.

— Si, si ... Excuses-moi, je suis crevée, je vais y aller, je me rattraperais promis. 

Elle se leva et vint poser un long baiser sur son front.

— Félicitation Will et merci pour la bague... c'est très chouette. 

La soirée ne s'était pas vraiment déroulée comme il l'avait espéré, il suivit du regard sa silhouette qui s'enfonçait dans la nuit et poussa un soupir. Elle avait l'air déprimé en ce moment et rien de ce qu'il faisait ne semblait l'aider.

Celui qui reste (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant