Roulette Mortelle [TERMINÉ]

I - Alexander Stokes

XXIe siècle – date exacte inconnue – lieu inconnu

Il y a deux ans, l'entièreté des habitants de plus de quatorze ans de ce pays ont tenté de se soulever contre le gouvernement. Malheureusement, cela a échoué et la situation s'est retournée. Pour se venger, les dirigeants du pays ont mis en place un nouveau système. Chaque semaine, chaque dimanche, une personne par région est tirée au sort. Elle peut très bien être nouveau-né, enfant, adolescent, adulte ou bien vieillard, peu importe. La roulette décidera de son sort. Vous voyez, c'est comme lors des émissions télévisées. On fait tourner la roue et la partie sur laquelle s'arrête la flèche décidera pour vous. Eh bien, c'est exactement pareil, à la seule différence que ce n'est pas de l'argent ou quelque chose comme ça à la clé, non. C'est beaucoup moins joyeux à vrai dire. Être tiré au sort, c'est presque la mort assurée. Avec de la chance, vous pouvez vous en tirer avec seulement des membres ou des organes en moins. C'est la roulette qui décide de notre châtiment. C'est notre punition à tous pour avoir osé nous révolter. Bien sûr, tout ceci est filmé et diffusé sur toutes les chaînes de télé disponibles ici. Et si votre télévision est éteinte à ce moment-là, elle s'allumera pour vous forcer à voir le magnifique spectacle. Et pas la peine de penser à quitter le pays, entrées et sorties interdites et impossibles. Ouais, c'est encore pire que la Corée du Nord. Le gouvernement et leurs proches sont épargnés, évidemment.

Moi c'est Alexander, Alexander Stokes, alias « Blanche Neige » parce que j'ai les cheveux teints en blanc. Pas fameux. Je suis majeur depuis quelques semaines. Il faut dire que je n'attendais que ça. Pouvoir faire à peu près ce que je veux, faire tout un tas de modifications corporelles si j'en ai envie, me bourrer la gueule le soir avec une bande de potes qu'il faudra aider à vomir après... Enfin, tout ça pour dire que moi aussi j'étais là le jour de la révolte d'il y a deux ans.

J'habite dans un quartier pas très bien réputé, le genre de quartier avec des rues qui sentent la vieille pisse, des poubelles qui attendent depuis des mois d'être récupérées par les éboueurs, des soupçons comme quoi c'est un endroit à dealeurs et mafieux. Mafieux, je ne sais pas mais dealeurs, je peux confirmer. J'ai d'ailleurs développé une sorte d'addiction à une certaine drogue vendue pour pas très cher dans le coin. Je ne sais même pas de quoi il s'agit d'ailleurs.

Il a plu cette nuit, les bancs du lycée sont mouillés. Je dois rester debout. Je m'en réjouis. Ma très petite bande est toujours avec moi. Le gothique qui a une crête noire et puis tout de noir sauf la peau qui est aussi blanche que celle d'un vampire, contraste parfait, c'est Luis. Il roule tranquillement une pelle à une fille aux cheveux mi- longs roses fuchsia, An. Et le géant d'un mètre quatre-vingt-cinq aux dreadlocks bruns, c'est mon meilleur pote, Yanis. Je le connais depuis que j'ai cinq ans. Oui, ça fait vraiment treize ans que je le connais et c'est clairement la meilleure personne que j'ai eue à mes côtés. Enfin, il y a eu quelqu'un d'autre aussi. Jusqu'à l'année dernière, j'avais une petite amie qui s'appelait Anja. Manque de bol, parmi toute la population régionale, c'est elle qui a été tirée au sort. Elle a été exécutée par injection létale. Pas joyeux, je vous l'accorde.

-Hé, Blanche Neige.

-Fini de fumer ton herbe, le rasta ?

-Très drôle, vraiment très drôle.

-Tu voulais me dire quelque chose ?

-Juste savoir si tu voulais venir boire avec nous ce soir.

-La question se pose vraiment ? Bien sûr que je viens.

-Ivrogne, va.

-Répète un peu pour voir !

Un sourire niais s'affiche sur son visage couleur mat. Ce gars est niais de toute façon, rien à redire là-dessus. Mais ça n'empêche pas que je l'adore.