IX - Faux

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Comme tous les dimanches matin, la télé s'allume, seule, exactement trois minutes avant la diffusion de l'exécution du condamné de la semaine. Le condamné de la semaine. C'est étrange de penser ça de façon aussi normale alors que cela ne l'est pas. Ce n'est pas comme si je m'y habituais. Et d'une part je suis soulagé de voir que cette fois encore, ma famille est épargnée. Ainsi qu'Aedan. Il est resté avec moi. Je crois bien que c'est moi qui l'ai voulu encore une fois. Je lui ai dit que je voulais qu'il dorme dans un vrai lit, dans une maison. Honnêtement je crois juste avoir fait ça pour moi. Après l'avoir revu hier, j'étais incapable de le laisser partir.
Un nuage de fumée grisâtre finint par se former au-dessus de mon visage. Mes parents sont partis tôt ce matin, j'en ai "profité".

-Fumer c'est mal. Si tu continues tu vieilliras trop vite et j'aurais plus envie de te faire pas mal de choses.

-Dit comme ça c'est une invitation à continuer.

-Plus sérieusement, tu fais ça de plus en plus souvent. Ça m'inquiète. Je vais t'envoyer en centre de désintox.

Un grognement s'échappe de ma gorge au moment où Aedan retire le mégot brûlant de mes lèvres et l'écrase sous sa semelle.

-Je vais vraiment t'y envoyer, confirme-t-il.

-Fais ce que tu veux.

-Ça va commencer, dit Aedan en jetant un coup d'œil vers la télévision. C'est mieux de ne pas regarder.

-C'est peut-être mieux mais comment je suis censé m'en empêcher?

-Commence par enlever ça.

Il retire alors mes lunettes et les pose sur la table basse. C'est flou mais je n'en suis pas aveugle. Je vois quand même la personne sur l'écran. Mais je ne la connais pas. Malgré le fait que je sache que ce que je vais voir est horrible, il est impossible pour moi de détourner le regard. C'est de la simple curiosité. Rien de plus.

-J'ai été habitué à voir ça toutes les semaines, Aedan, j'ajoute. Je ne serais pas choqué.

-C'est pas bon pour ta santé mentale ni pour ton moral. T'es déjà assez chiant comme ça.

-Dis, si je te conviens pas tu peux toujours "rentrer chez toi".

Il me fixe quelques secondes. Son sourire au coin des lèvres. Je peux sentir son genou s'écraser sur le canapé entre les miens. Je n'ai pas peur d'Aedan. Mais je le sens mal.

-Je ne pense pas me tromper en disant que c'est toi qui a insisté pour que je reste.

-Et alors?

-Je sais que tu ne veux pas me voir partir.

-Tu ne sais rien du tout...

-Je le sais. Regarde-moi, Alexander.

-Non.

-Regarde-moi.

Sa main attrape mes poignets. Je daigne relever les yeux vers lui, juste une fraction de seconde. Cette fraction de seconde qui lui suffit largement pour cacher mes yeux de sa main libre et poser ses lèvres sur les miennes. C'était beaucoup trop rapide, dix minutes après mon réveil, comme ça.

-C'est mieux quand tu me regardes, non? sourit-il après s'être retiré.

-Ferme-la...

-Pourtant c'est toi qui m'as dit que je pourrais le faire quand je voulais.

-C'est parce que... T'as dit qu'on devait s'éloigner. Je voulais pas...

Roulette Mortelle [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant