II - Serais-tu suicidaire?

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Le bruit d'une porte qui s'ouvre ainsi que les mouvements de quelqu'un qui s'assoit sur le lit où j'ai passé la nuit me tirent de mon sommeil. J'ai encore mal à la tête, je voulais dormir plus longtemps.

-Alex, tu devrais rentrer chez toi maintenant. Ta mère a appelé parce qu'elle se doutait que étais là. Apparemment, ton père a dit qu'il allait noyer le chat si tu ne rentrais pas avant midi. Il est déjà dix heures et demie, faudrait se dépêcher. Dis, pour le chat, tu crois que c'est vrai ? Parce que si ça l'est je...

-La ferme, le coupes-je. Tu parles trop. Bien sûr que non il ne va pas noyer mon chat. T'es con de croire à ça toi.

-Oui je le suis. Allez, lèves-t...

-C'est bon, je me lève.

Je joins le geste à la parole, suivit de près par Yanis.

-Tu veux manger quelque chose ?

-Non merci. Par contre si t'as un truc contre le mal de tête... Je suis pas contre.

-Petite Blanche Neige a la gueule de bois ? Étonnant, déclare-t-il ironiquement.

-Comment ça, petit ? Je suis pas petit, c'est juste toi qui es trop grand.

-C'est mignon d'être petit.

Sa main va pour caresser une énième fois ma tête mais j'attrape violemment son poignet et lui jette un regard meurtrier.

-Serais tu suicidaire ? Simple curiosité.

-Tu me ferais presque peur.

-C'est le but.

Il lève les yeux au ciel avec un léger sourire amusé, sors de la pièce et reviens quelques secondes plus tard avec un verre d'eau et un cachet « pour ne pas avoir l'air trop défoncé devant ma mère » a-t-il ajouté. Je m'empresse d'avaler le tout, le remercie et sors de son taudis. Sa maison n'est qu'à quatre ou cinq pâtés de la mienne, je peux y aller à pieds. Il a bien sûr insisté pour me ramener à moto mais j'ai refusé. Ça ne sert à rien d'être aussi attentionné avec un mec comme moi qui ne vous rendra jamais ce genre de geste. Arrivé chez moi, je sonne à la porte mais comme la sonnette est cassée, oui j'avais oublié, je dois toquer. Parce que forcément, en partant hier soir, j'ai oublié mes clés. Quoique, je suis sûr qu'en donnant un coup d'épaule un peu fort cette vieille porte s'ouvrira. Finalement, mon père la déverrouille en portant mon chat dans une main et réajustant ses lunettes sur son nez de l'autre, tenant une bouteille de bière.

-T'aurais pu nous prévenir que tu dormais chez ton pote.

-Bonjour déjà. Et puis j'étais trop défoncé pour appeler ou même envoyer un message. Si tu veux tout savoir, je me suis vautré la gueule par terre en entrant chez Yanis. Il m'a dit que j'étais irrécupérable d'ailleurs.

-Il n'a pas tort.

-Je n'étais pas si bourré que ça, je n'ai pas vomi, pas fait de choses anormales et je me souviens de toute la soirée. Sinon, pourquoi tu voulais noyer le chat ?

-J'me suis dit que tu rentrerais plus vite si je disais ça.

-N'importe quoi. Pauvre May.

Malgré son style de beauf plus que cliché –débardeur blanc avec jolies marques de transpiration aux aisselles, pantacourt noir, vieilles crocs bleues, casquettes rouges sur son crâne à moitié dégarni et Heineken à la main-, ses blagues de beauf et le fait qu'il en soir lui-même un, je m'entends aussi bien avec mon père qu'avec ma mère. Quelque part, je suis plutôt chanceux parce que je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde.

Roulette Mortelle [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant