V - Juste un enfant

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Je déteste le dimanche. Je n'ai probablement pas besoin d'en expliquer les raisons. C'était horrible. C'était un enfant. Environ huit ou neuf ans, pas plus. À ce moment-là, je n'ai pas pu retenir mes larmes, et mes yeux refusaient de décrocher le petit écran de la télévision du salon. Le verre que je tenais à cet instant dans mes mains s'est brisé en mille morceaux sur le sol carrelé. Tout est devenu encore plus flou. J'ai pleuré pour quelqu'un que je ne connaissais même pas. Je cours me réfugier dans ma chambre, laissant le verre fracassé là où il est tombé. Je n'ai aucune envie que qui que ce soit me voit dans cet état. Son visage était... Comme déjà mort avant de mourir. Je ne me croyais pas sensible. Pourtant, quand je l'ai vu sur l'écran, ça m'a fait un énorme choc. Peut-être à cause de son âge, parce que c'est probablement la première fois que je vois quelqu'un de si jeune être tiré au sort. C'était un garçon, je crois. Je n'ai pas très bien vu son visage qui était dissimulé derrière des mèches blondes. La tête baissée et regardant le sol. Quand il l'a relevée, c'est comme si ses yeux bleus perçants avaient croisé les miens. Ils étaient complètement vides, s'en était presque effrayant. Et puis après, je n'ai rien compris. Une marque rouge s'est dessinée sur sa gorge, je pouvais même distinguer des gouttes perler sur sa clavicule jusqu'à ses vêtements. Et elle est tombée au sol. Son corps a suivi le même mouvement quelques secondes plus tard.

Ces images repassent en boucle encore et encore dans ma tête. Mon cœur me fait mal. Je hais les humains comme ça. Pas le petit garçon, mais les gens qui lui ont fait ça. La révolte d'il y a deux ans n'est pas une excuse à ce genre de barbarie.

D'ailleurs, je ne me souviens pas de ce jour-là. Il en est de même pour toutes mes connaissances. Nous avons aussi oublié l'année. On sait seulement que c'était il y a deux ans. Pareil pour le nom du pays qui n'en a à présent aucun. Je ne saurais pas expliquer comment ils ont fait mais je n'ai pas envie de savoir.

Mon pays est divisé en dix régions. J'habite dans la numéro trois. Aucun problème pour passer de l'une à l'autre. Je peux aller dans n'importe quelle autre région, si je suis tiré au sort on me retrouvera en un rien de temps. Je suis sûr qu'on est pistés ou quelque chose comme ça. Trop de choses sont encore inexplicables pour le moment, mais j'avoue que ça m'importe peu.

-Blanche Neige ! C'est quoi ce verre cassé dans le salon ?

-J'sais pas, m'man.

-Alexander !

-Quoi ?

-Alexander !

-Mais quoi ?

Je descends en trombe les escaliers, ne prenant même pas soin de faire quelque chose pour mes yeux rougis. Ma mère est debout dans le salon, les bras croisés sur sa poitrine. Pourquoi Yanis se tient derrière elle ?

-Ton ami est venu te voir, commence-t-elle. Mais explique-moi que fait ce verre cassé au milieu du salon.

-Il m'a juste glissé des mains. Salut, Yanis.

Mon meilleur ami m'adresse un signe de la main en guise de réponse, bien évidemment accompagné de son éternel sourire, tandis que ma mère soupire d'exaspération en levant les yeux au ciel.

-Je me demande encore et toujours comment tu as pu en arriver là, mon pauvre fils.

-Je tire de toi, je réponds alors du tac au tac. Dread, attends-moi là, je vais m'habiller et après on sort.

-Ça marche.

Je pars alors enfiler quelques vêtements propres, parce que sortir en ville en caleçon est t-shirt est quelque chose de très moyen, puis sors de la maison avec Yanis. Il se passe une bonne dizaine de minutes sans qu'aucun de nous ne prononce un seul mot. Voyant le malaise, il dit finalement quelque chose.

Roulette Mortelle [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant