Fallait le dire

1

Rentrant dans le bureau de son patron, elle était toute nerveuse. Ses longs cheveux noirs retombaient sur son dos et de temps en temps elle ramenait en arrière quelques branches rebelles qui lui tombaient sur le visage.
Ses beaux yeux noisettes se baissaient à chaque fois que ce dernier s'apprêtait à la regarder, feignant de noter quelque chose dans son carnet.
Elle était timide, mais ce matin plus encore jusqu'à paraître plus jeune que ses vingt neuf ans. À Pétion-ville, elle habitait une maison héritée de ses parents, suffisamment grande pour elle, y logeant depuis déjà trois mois, Eddie qui est à la fois sa meilleure amie et collègue de travail depuis ce matin; celle-là était tout son contraire à elle, âgée de vingt-six ans, capricieuse avec un côté bien trop fêtard qui lui a souvent valu pas mal d'ennuis.

Dans son ensemble hyper sexy, Tania se tenait devant son patron qui était un homme d'une trentaine d'années, grand, bâti à la fois en force et en souplesse, le visage imberbe, il avait des traits exceptionnellement réguliers et fiers, des yeux rapides couleur safran.
Un beau costume gris dont la veste était sur le dossier de son siège, une chemise blanche et au collet, une cravate rouge dense qui mettait en valeur son teint clair. D'un simple regard, il dévisagea à nouveau sa secrétaire qu'il trouva resplendissante avec son  sourire léger. Il le lui rendit, puis lui demanda

_ Alors Tania, dis-moi. En gros ce sont de bonnes ou de mauvaises nouvelles?
_ Rassurez-vous monsieur, ce sont de bonnes nouvelles. Étant donné que l'on a réussi à obtenir le contrat avec la compagnie de monsieur Clifford qui a fini par accepter les vingt pourcents que vous lui aviez imposé. D'ailleurs, il vous donne rendez-vous demain matin à onze heures.
_ Bien! C'est très bien tout ceci.

Il avait parlé sans quitter des yeux ses documents qui apparemment étaient très importants.
Tania le comprit, elle n'ajouta pas un mot de plus jusqu'à ce qu'il termina quelques secondes après.

_ Et concernant les dossiers que vous m'aviez donné hier, poursuivit Tania, vous ne m'avez toujours pas dit quoi faire avec. Je les...
_ Allons Tania calmez-vous, lui coupa net son patron. Nous en aurons le temps.
_ Le plus tôt est toujours le mieux monsieur, sans vouloir vous contredire.
_ Une vraie bosseuse vous, des fois je me demande ce que je ferais sans vous.

Tania sourit en guise de remerciement, puis ajouta en s'assurant que ce serait bien son dernier rappel avant de refermer son carnet
_ Vous avez une réunion dans deux heures.
_ D'accord. Venez avec moi, j'ai besoin de vous.
_ Mais monsieur...

Tania fut troublée et cela se vit. Mais décidé, ce dernier s'empara déjà de sa veste.
_ Un problème?
_ Non, réussit-elle à prononcer. Je vais demander à Eddie de me remplacer durant mon absence.
_ Entendu, je vous attends.

Elle se retira le plus vite qu'elle le put. Bientôt six ans à travailler pour cet homme, c'était plus qu'évident qu'elle avait des sentiments pour lui. Sauf qu'elle tenait à éviter tout commérage à son propos, aussi bien qu'elle tenait à son travail dans un pareil pays que Haiti où le chômage bat son plein.
Après s'être fait remplacer par Eddie, elle alla trouver Arthur Domergue, son patron qui l'attendait déjà.

Après avoir tout réglé, Tania se rendit droit au bureau d'Eddie pour lui apprendre qu'elle était de retour. Mais, à sa grande surprise, elle y trouva Eddie qui rangeait ses affaires dans une boîte en carton; et elle dut demander des explications à son amie qui de sa voix perçante glapissa pendant au moins dix secondes avant de s'avancer vers Tania pour sortir tout simplement

_ Je m'en vais d'ici, je démissionne.
_ C'est une de tes blagues, ça?
_ J'ai tout, sauf une tête à blaguer.  Vraiment, entendre des sonneries de téléphone à longueur de journée, ce n'est pas mon genre. Tu me connais.
_ Tu vas t'y habituer, tenta quand même Tania, bien qu'elle sut que ce n'était pas elle ni ses mots qui allaient la faire changer d'avis. Elle était juste surprise qu'elle y passa une simple journée; elle avait espéré jusqu'à une semaine.
Mais, gâtée qu'elle était, le moment de changer n'était pas encore arrivé pour Eddie.

_ C'est tout de même une perte pour l'entreprise.
_ Ouais, vas-y moque-toi. En passant, tu me rends service? Rentre avec mes affaires pour moi. Il y a Vanessa qui passe me prendre, je vais au studio me faire une coupe de cheveux parce que ce soir on va s'éclater. Merci!

Et sans attendre de réponse, elle fit la bise à Tania, puis disparut.
Une journée assez mouvementée, finit par en juger Tania qui décida de tenir bon jusqu'au soir.