Fallait le dire

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_ Eh ben ma chérie, je te le dis une bonne fois pour toute, tu es folle. Depuis quand l'amour se contrôlait à ce point? Un conseil, fais de lui ton homme en avouant tout ou tu dégages.

Junior et elle trainaient entre les rayons du delmas 2000. Après être passé faire une transaction à la Sogebank sur la route de delmas, Junior en profita pour passer s'acheter des piles pour son appareil-photo à delmas 2000 où il savait que Tania se trouvait, car elle le lui avait dit il y a cinq minutes alors qu'il sortait de la banque.

Les deux avaient passé la nuit à discuter au sujet de la relation entre Arthur et Eddie qui datait de huit bonnes semaines maintenant. Junior avait fini par se rendre compte de sa jalousie et elle finit par tout avouer à ce dernier qui ne lui cacha pas son mécontentement

_ Comprends-moi, il s'agit de ma meilleure amie.
_ T'as dû trop regarder disney channel quand t'étais petite et voilà le résultat. Certaines fois, je n'arrive vraiment pas à te cerner. C'est quoi une amie pour toi? Eddie a sa vie et tu lui tends la tienne en cadeau
_ Que puis-je faire maintenant? Elle est amoureuse
_ Pas toi? Cette fille est sortie avec ce mec autour d'un verre et pour couronner le tout, elle était ivre. Mais tu sais ce qui me plaît chez elle, c'est qu'elle ne demande pas la permission de vivre sa vie. Ne viens surtout pas pleurer lorsqu'elle t'invitera à leur mariage, parce qu'Eddie ne fait que saisir une opportunité tandis que toi, tu refuses de te prononcer
_ Et de quoi cela aura l'air? Je débarque et je dis à Arthur que je l'aime, mais que j'avais peur de tout lui avouer. Et même quand il serait d'accord pour se mettre avec moi, comment oserais-je regarder Eddie en face?
_ Encore cette fille? grogna Junior presqu'énervé
_ Je ne suis pas une mendiante
_ Non. Tu es une femme amoureuse

Il sortit son portable de sa poche, regarda l'heure puis la remit à sa place.

_ T'as bientôt fini? Il est plus de onze heures, si je ne me dépêche pas je serai pris dans les embouteillages. Bientôt les rues seront bourrées d'écoliers sortant de l'école
_ Oui. Ça te dit de me déposer chez moi? Je ne suis pas sortie avec ma voiture ce matin, je ne me vois pas prendre une camionnette avec tout ça en main et je ne fais pas confiance à ces chauffeurs de moto amateurs
_ Aucun problème.

Ils passèrent à la caisse, puis sortirent dehors où le soleil se fit sentir brûlant sur leur peau. La vie battait son plein et Junior ne se trompait pas quand ils parlaient des écoliers. Ils défilaient dans leur uniforme de toutes les couleurs, tels de vrais amateurs en déguisements carnavalesques lors d'un mardi gras; il n'y a que les lycéens qui dans leur ensemble bleu ciel et bleu marin, se distinguaient le plus facilement de la grande foule.
Sauf qu'à l'ironie, ils constituaient cette grande foule et que ce bout de tissu coloré qui leur était donné avait plus l'air de les catégoriser clairement, mais sans oser le leur dire en face. Une réalité sociale trouvée dans chacune des institutions de ce pays.

Il se dirigea droit vers sa voiture qui en un rien de temps fut escortée par plusieurs bambins en haillons, auxquels il tendit quelques monnaies après qu'ils lui permirent de sortir du parking en se mettant au travers des voitures qui n'étaient pas pressées de s'arrêter pour le laisser passer.

_ J'y pensais, mes potes sont de vrais égoïstes
_ Pourquoi donc?
_ Si tu savais le nombre de meufs que j'ai pas réussi à avoir parce qu'elles leur plaisaient. Si c'était toi, tu m'aurais laissé faire. Pas vrai, sainte Tania?
_ Quand tu veux, tu peux être un véritable idiot Junior. Quelle chaleur! Ça peut presque tuer
_ On est en juin, ça sent l'été à plein nez. Le mois prochain, je vais prendre ma semaine de congé pour me rendre au Cap. Evens m'accompagnera, tu veux venir?
_ Non. Je compte me rendre à Jacmel. J'ai déjà fait des projets: bain de mer, poisson, bière...

Tania, les yeux fermés, respira un grand coup et sourit pour laisser paraître deux rangées de dents blanches soutenues par de jolies gencives violettes.

_ Le paradis sur terre, ajoute-t-elle toute rêveuse.
_ On a presque pas bougé depuis tout à l'heure, fit remarquer Junior qui alluma la radio pour faire entendre la voix d'un homme qui faisait des commentaires au sujet de la politique actuelle du pays.
Tania rouvrit les yeux et fronça les sourcils

_ Non merci. Avec cette chaleur, si tu crois que je vais m'asseoir à écouter ces menteurs, tu te mets carrément le doigt dans l'oeil. Ils ont tous cette folie de faire carrière dans la politique feignant de jouer le rôle du "papa bonkè". Balivernes! J'aimerais savoir quels lois sont à leur poursuite

Dans un élan de colère, elle changea de station pour s'arrêter sur la prochaine qui diffusait une musique titrée "malad" de Richard Cavé. Junior lui lança un regard interrogateur, mais elle préféra lâcher un simple " j'ai mal à la tête" pour le décourager à dire quoique ce soit et enfin se perdre dans ses pensées.

Après une bonne heure prise dans les embouteillages, ils finirent par arriver à destination. Sans tarder, Junior reprit sa route pour se rendre à ses occupations et Tania rentra directement pour se préparer à manger. Elle avait invité son ami, mais celui-là ne pouvait vraiment pas rester; elle se retrouva donc seule parce qu'Eddie avait décidé de trouver son propre toit, passant désormais tout son temps avec Arthur.

                                *
                            *      *

Assis devant une pile de paperasse, il était tout aussi animé par ce même mélange de fougue et de calme lorsqu'il était hyper concentré. Sauf que là, il ne s'agissait ni de ses affaires, ni d'un bureau; y compris cette femme terriblement sexy à son goût, qui le fixait depuis une bonne demi-heure. Elle devait trouver cela bizarre d'apporter tout ceci à un endroit pareil, mais il n'avait pas le choix puisqu'il avait promis d'en finir.

Toutefois, cela ne voulait pas dire qu'il n'avait pas le droit de s'amuser un peu. Mettant de l'ordre sur sa table, il fit signe à cette femme au teint clair communément appelé "grimèl" qui n'hésita pas à le rejoindre.
Il n'avait pas l'habitude de fréquenter cet endroit, il avait plutôt rendez-vous au BNE avec un collègue qui lui prévint qu'il n'y serait pas avant deux bonnes heures. Étant sur sa route, il s'arrêta à poste-marchand pour passer un petit creux à l'épidor et clarifier quelques points avant de remettre ce dossier à son véritable propriétaire.
Nul doute que ce fut le cas maintenant, car tout ce qu'il désirait c'était un petit moment en tête-à-tête avec cette dame qui d'ailleurs semblait vouloir la même chose de par sa nature d'aventurière mélangée à son faible pour la catégorie bel homme.

_ Bonsoir, dit celui-ci d'une voix rauque après qu'elle eut pris place
_ Bonsoir, répondit-elle avec un large sourire qu'il trouva époustouflant. Rien à en redire, sa soirée allait être tout aussi merveilleuse
_ Vous êtes particulièrement admirable madame, je me permets de vous le dire tout de suite.
_ Merci. Et vous, particulièrement flatteur à ce que je vois.
_ Disons que je suis direct
_ Débordé? demanda-t-elle faisant référence à ces papiers pas totalement rangés
_ Oh! N'y prêtez pas attention. Au fait appelez-moi Carl
_ Eddie

Et elle serra la main qu'il lui tendit, recevant comme bonus la délicate sensation de ses lèvres qui en baisa le dos. Ça chatouilla, pensa-t-elle tout bas et celui-là allait chatouiller bien plus qu'elle ne se l'était imaginé.