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Plus que sa présence, son silence troubla plus encore pensa Tania jusqu'à ce qu'Arthur se dirigea vers elle, les pas légers, pour lui prendre l'enveloppe des mains.
Il lui remercia simplement, puis la déposa sur une tablette auprès de laquelle Tania se tenait depuis son arrivée. Chose faite, Tania attendit de lui qu'il se retira pour qu'elle puisse elle-même reprendre sa route, mais il n'en fit rien.

_ Je vous offre quelque chose à boire? demanda Arthur d'un calme tout à fait naturel.
_ Non merci. Je dois...
_ Vous devez, l'encouragea Arthur qui put lire toute sa tension dans sa voix qu'elle fit plus claire en nettoyant sa gorge avant de poursuivre pour ne plus s'arrêter.
Elle faisait savoir de manière claire et nette qu'elle ne pouvait rester, cependant, le contact d'Arthur la fit sursauter; ce dernier s'approcha d'elle à chacun de ses mots pour ne laisser entre eux, de l'espace que pour le vent.

_ J'ignorais que ma présence troublait à ce point, ricana ce dernier. Laissez-moi vous offrir rien qu'un verre. Un seul et je vous promets que vous serez bien lucide pour décider par vous-même si vous allez partir ou rester.

                                  *
                               *     *

Un énième éclat de rire perça l'air, sauf qu'il ne s'agissait ni de Prisca, ni de Steeve. Ce soir était un tout autre soir, ils n'étaient pas gardés par Tania, mais plutôt une vieille tante plus tolérante qui les aimaient bien. Tous les deux couchés sur elle qui était assise sur le tapis devant la télé restée allumée, ils racontaient à Yolène des blagues qu'ils s'étaient faites l'un l'autre auparavant et surtout à des proches de leur mère ou de leur père qu'ils n'aimaient pas trop. La préférée de Yolène fut les vitamines de leur grand-père, qu'ils avaient caché durant une semaine parce qu'il leur avait privé de leur dessin animé du samedi matin. Le pauvre avait eu du mal à manger jusqu'à ce que leur mère tombe sur leur cachette.

Morte de rire, elle avait mis fin à cette séance pour aller les coucher. Ils avaient résisté au début, mais pas trop longtemps parce qu'à vingt-deux heures, ils étaient bien fatigués. À peine couchés, ils s'endormirent tout de suite et Yolène s'était assurée que ce fut bien le cas avant de se donner le souci de revérifier l'heure. Il était vingt-deux heures passées de quinze bonnes minutes, Tania l'avait certe prévenue de son retard, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Ainsi, elle saisit son portable et composa le numéro de Tania qui, quelques secondes après, cria le nom de sa tante pour avertir de sa présence.

À peine la porte franchie que son portable s'était mis à sonner. Voyant qu'il s'agissait du numéro de sa tante, elle avait préféré crié de sa faible voix au lieu de décrocher. Cette dernière encore devant la porte de la chambre où dormaient les petits, descendit rejoindre sa nièce qu'elle finit par entendre la voix.

_ Eh ben, dis donc, j'ai commencé à m'inquiéter pour toi. Tu rentres un peu trop tard Tania, tu ne penses pas?
_ Je sais tante Yolène, reconnut entre deux soupirs Tania qui alla se chercher un verre d'eau dans le frigidaire. Mais, je te l'ai dit, j'ai eu du retard au boulot et j'ai dû passer chez mon patron pour lui apporter une enveloppe qu'il avait oubliée.
_ Mhmm, encore le boulot. Elle était importante l'enveloppe?
_ Sinon, je ne me serais pas donnée tout ce mal. Elle représente tout le boulot pour lequel on s'est donné tant de mal.

Sa tante lui lança un regard interrogateur, puis lui demanda de s'asseoir parce qu'elle était restée appuyer au frigo. Elle s'était mise à l'examiner de là où elle se tenait tandis qu'elle lui réchauffait son diner réclamé par elle.

_ Il est marié ton patron? demanda sa tante qui prit place en face d'elle après lui avoir servi son assiette.
_ Non, pas que je sache. Pourquoi?
_ Juste comme ça. Il doit être extrêmement pris, poursuivit-elle d'un air tout à fait détaché qui éveilla les soupçons de Tania que lorsqu'elle ajouta
_ Et également très soucieux dans ses entreprises. Toutefois, je suis curieuse de savoir comment il a pu oublier tout un ensemble de sacrifices effectués comme ça, dans une simple enveloppe.
_ L'erreur est humaine tante Yolène, la coupa Tania.
_ Et certaines en valent la peine quand on a une excellente secrétaire sur qui compter, ajouta sa tante qui lui sourit calmement et la mit intimement mal à l'aise. Elle n'avait pourtant rien fait ce soir, elle avait refusé l'offre d'Arthur, aussi tentant qu'elle put l'être au début parce que ne désirant pas le rôle de remplaçante qui lui était attribué, elle préféra rentrer chez elle où elle était confrontée à un interrogatoire déguisé par sa tante qui avait eu l'amabilité de venir garder les petits à sa place.

Voyant que cette discussion n'était pas l'une des plus enrichissantes qu'elles pouvaient avoir, Tania fit en sorte de changer de sujet le temps de finir son assiette. Elles avaient alors préféré parler de Jacmel ainsi que de ses cousins qui avaient hâte de la revoir bientôt, une fois qu'elle aurait pris ses jours de congé; de potentiel fiancé que nia complètement Tania; de nouveauté dans leur train de vie et surtout de préparatifs pour un proche retour à Jacmel.

Les deux se sont couchées vers une heure du matin. Plus fatiguée que d'ordinaire, Tania ne se réveilla pas avant huit heures du matin, heure à laquelle la radio allumée par sa tante laissa entonner l'hymne nationale qu'elle se rendit compte avoir presqu'oublié l'ensemble des paroles; elle ne s'en blâma pas, mais il n'y avait pas non plus de quoi en être fière. Elle prit son petit déjeuner, son bain et se décida à se rendre au travail un peu plus tard. Grâce à sa tante, sa journée fut moins fatigante que celle passée la veille et même Junior lui fit la remarque. Ce dernier partit plus tôt, rejoindre sa Rachel, une animatrice de radio avec qui il était en couple depuis environ trois ans; ils avaient prévu de passer la soirée chez lui.

Entre-temps, la journée avait été plus troublante pour d'autres, à l'exemple de Mélissa qui trouva ce matin-là, des traces de rouge à lèvres sur la chemise que portait Sandro à cette prétendue réunion entre collègues, la veille. Elle était hors d'elle-même et écoeurée lorsque ce dernier ne trouva pas mieux pour sa défense que de dire qu'il s'était servi de la chemise pour essuyer les lèvres de Mélissa endormie à son arrivée.

_ Tu te fous de ma gueule? hurla Mélissa brandissant la chemise à son visage.
_ Quoi? Je te le dis, je m'en suis servie pour t'essuyer les lèvres.
_  Je me suis douchée avant de me coucher, je ne portais aucun rouge à lèvres, menteur.
_ Qu'est-ce que t'en sais? Tu as bien pu ne pas bien te laver le visage, ça arrive tout le temps.
_ T'es pathétique Sandro! Dégage de ma vue!
_ Lissa...
_ Ne me touche pas, le bouscula Mélissa qui ne voulait pas que ses mains se posent sur ses épaules, comme il tentait de le faire.
Elle sortit de leur chambre, l'y laissant avec son lot de mensonges ayant moins de succès cette fois-ci.

                                  *
                               *     *

_ Vas-y, goûte.
_ J'ai le choix?
_ Oh arrête de faire le difficile, je l'ai préparé rien que pour toi. Il est fait d'amour.

Rachel se tenait en califourchon sur Junior qu'il forçait de goûter à un plat qu'elle seule pouvait y attribuer un nom. Résigné, Junior se laissa introduire dans la bouche une cuillère qu'il rejeta la seconde d'après, au visage de Rachel qui se leva pour se nettoyer avec l'unique chemise qu'elle portait sur ses sous-vêtements.

_ Tu me le paieras, bouda-t-elle.
_ Et moi alors?
_ Je viens de me faire infecter pour toi.
_ Infecter? répéta Rachel. Tu n'en manques pas de culot. Tu sais quoi, je ne te ferai plus cette faveur et encore moins quand j'aurai mon restaurant.
_ Restaurant, pouffa Junior. Préviens-moi quand tu comptes te lancer, je me lancerai dans les entreprises funéraires; rien de plus sûr avec un restaurant t'appartenant sur le marché.

Rachel s'avança de lui et lui colla un coup de poing aux biceps, qu'il sentit à peine.

_ Je te supplie de m'offrir tout, sauf ce que t'as fait cuire toi-même. T'es peut-être intelligente, mais la cuisine te reste un mystère et ne t'en fais pas, toi seule me suffis comme plat fait d'amour, ti doudou.
_ T'as la chance d'être irrésistible toi, autrement je te le ferais payer.

Junior s'apprêta à l'embrasser quand Rachel lui passa sur les lèvres, un doigt trempé dans la sauce que contenait encore le bol posé sur le canapé, puis prit la fuite, suivie de ce dernier.

La soirée fut pour eux,  pareille à celle de deux ados amoureux pour la première fois. Elle s'était d'ailleurs passée différemment pour plus d'un:
Tania, en compagnie de sa tante et des petits, jouait aux devinettes; Sandro, offrit un bouquet à sa femme qui commençait à ne plus savoir que croire de lui et par la plus grande des surprises, après un dîner plutôt réussi, sur un ancien air de k-dans titré move chwa, Dahanna dansait dans les bras de Carl. Et que dire quand leur piste de danse se trouvait être le salon d'Arthur que Carl avait emprunté pour l'occasion, sachant qu'il était absent, mais ignorant qu'Eddie également avait une double des clés de la maison de son petit ami.

Fallait le direOù les histoires vivent. Découvrez maintenant