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La conversation s'entama rapidement et n'eut aucun problème à prendre de l'ampleur. Ils parlèrent de choses banales, de quelques petits points de leur vie qui permirent à Carl de voir qu'Eddie était le portrait d'une de ces femmes au chômage survivant grâce au transfert de parents et d'amis. Il basa son jugement sur le simple fait qu'elle eut du mal à dire ce qu'elle faisait comme travail et plus encore à en inventer un, or elle sentait la classe à des centaines de mètres; rien à voir avec ces limenas trop maquillées avec des produits bon marché, elle était juste vraie et coûteuse depuis sa coupe de cheveux jusqu'à la finesse de sa peau qui devait être au petit soin. Des cas comme celui-ci font partie de son quotidien étant un de ces facilitateurs diplomates qui travaillaient au bureau central de la compassion internationale. Il n'était pas bourgeois, mais il ne pouvait se plaindre non plus contrairement à d'autres.

Il sut du coup qu'étaient relativement faibles les chances pour une relation de plus d'un soir avec elle; il ne plaça pas la barre au dessus de quinze pourcents. C'était un de ses défauts de vouloir tout mesurer, car il aimait bien les chiffres et était par moment comptable en dehors de son véritable travail. Tout ceci, pour se rassurer que ses conquêtes ne lui pousseront pas à leur passer la bague au doigt parce qu'il n'était pas encore prêt à renoncer à la vie en allant se caser maintenant et renoncer au plaisir qui était tout ce qu'il recherchait. Et excellent communicateur qu'il était, il s'arrangeait pour ne pas donner de faux espoir à celles-ci tout en leur faisant voir que partir sans lui leur était impossible. Ses expériences lui permirent de voir combien étaient variées les femmes, il en connut de toutes les qualités et certaines lui avaient même tenu tête plus longtemps qu'il l'aurait cru. C'étaient ses préférées.

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Perdue dans son film, elle n'entendit pas frapper à sa barrière tout de suite, mais l'insistance de la personne en question la fit sursauter et courir aller voir qui c'était. Elle ouvrit la porte et sortit dans la cour qui était à peine éclairée par les lumières de l'intérieur, portant un simple jean délavé, un maillot de la seleção dont elle était plus que fan et traînant de légers sandales à ses pieds. Les coups sur la barrière se faisant persistant, elle courut pour voir qui c'était et elle en fut surprise

_ Madame Henry!
_ Tania ma chérie. Excuse-moi de venir te déranger à cette heure, mais j'ai besoin de toi.

En plus du ton dramatique de sa voix, elle avait avec elle ses deux petits: Steeve et Prisca. Ce fut la preuve qu'elle avait réellement besoin de son aide, sinon pourquoi une mère se baladerait sans raison avec deux enfants qui à première vue tombaient de sommeil?

_ Rentrez donc madame, dit-elle compatissant déjà à sa douleur dont l'origine lui était méconnue jusqu'ici.
Accompagnant ses mots à ses gestes, elle se retira pour la laisser pénétrer dans sa cour

_ Gardez mes bébés pour moi, supplia-t-elle
_ Qu'y a-t-il madame?
_ C'est Henry. On vient de m'appeler, il est à l'hôpital

Elle parla entre ses dents pour que ses enfants n'entendirent ses propos qu'elle partagea aussi brièvement que possible entre deux à trois minutes avec Tania qui ne la retint pas plus. Tania referma la barrière après elle et entra coucher les enfants endormis d'abord dans son lit, ensuite dans la chambre d'ami qu'elle réussit à préparer en un rien de temps. Vérifiant l'heure, elle se décida d'aller fermer à clé la barrière, puis elle entra se remettre devant sa télé; sauf qu'elle n'eût plus envie de continuer à regarder quoique ce soit. Elle ne réalisa qu'une seule chose: ce soir, elle était mère et cette idée la fit sourire. Elle éteignit la télé, prit son paquet de Doritos qu'elle mangeait avant l'arrivée de madame Henry, y plongea les doigts et ramena quelques morceaux dans sa bouche.

Fallait le direOù les histoires vivent. Découvrez maintenant