MADAM'S GARAGE

MADAM'S GARAGE. Chapitre 4.

CHAPITRE 4 :

Lysiane :

Ce mercredi soir, Mélodie arrive de sa recherche d'un garage qui veuille bien l'embaucher pour son contrat d'apprentissage. Elle est excitée comme une puce, elle a enfin trouvé un garage qui veut bien lui donner sa chance. Et nous avons rendez-vous vendredi à 18h30.

Vendredi, nous arrivons à Mazères-Lezons, au Madam's Garage. Drôle de nom pour un garage. Lorsque je gare la voiture dans la cour, une femme sort pour nous accueillir. Mélodie lui fait la bise, et fait les présentations. Moi qui m'attendait à ce que ma fille soit embauchée par un patron âgé, libidineux, limite pervers, ou un jeune moche, qui prendrait ma fille pour une petite "bonne à tout faire", pour lui porter le café ou sa bière, balayer l'atelier, nettoyer et ranger les outils... Avec une femme, je suis rassurée au moins sur un point. Sa poignée de main est franche, ça me plait.

Nous discutons d'abord du contrat de Mélodie. Elle a déjà fait le nécessaire auprès de la Chambre de Métiers et de son comptable. Il ne me reste plus qu'à inscrire ma fille pour la rentrée. Puis nous parlons de choses et d'autres, de mon restaurant. Au bout d'un moment, Mélodie me dit que mon Pascal et Audrey ont presque passés leur C.A.P. ensemble. Mon dieu, déjà 4 ans qu'il nous a quittées. Nous avons été anéanties. Mélodie et Mylène, sa petite sœur, ont eu beaucoup de mal à remonter la pente. Elles étaient si proche de leur père. J'ai dû réagir assez rapidement pour ne pas les laisser sombrer. J'ai bien été aidée par les parents et le frère de Pascal. Ils m'ont même aidée au restaurant. Je leur dois beaucoup. Permettre à Mélodie de devenir mécanicienne fait partie de ce qui l'a aidée à surmonter la mort de son père.

Nous en avons discuté longuement, elle ne voulait rien faire d'autre. Elle me disait qu'elle n'envisageait pas de faire autre chose, elle aurait eu l'impression de trahir son père, tout ce qu'il lui avait appris. Toute la famille l'a soutenue. Et ce n'est pas prêt de changer. Avant de rencontrer Audrey, elle commençait à désespérer un peu. Elle va enfin pouvoir réaliser son rêve, faire honneur à son père. Je sais qu'elle fera tout pour y arriver.

Mélodie :

Depuis que nous avons signé mon contrat d'apprentissage avec Audrey, je voudrais avancer le temps pour être en septembre.

Hélas, nous ne sommes qu'en juin. Cet été va me paraitre bien long. Je vais la voir tous les mercredi après-midi, dans l'espoir de commencer à travailler, mais tant que je n'ai pas commencé les cours à la Chambre de Métiers, je n'ai pas le droit. Alors je regarde beaucoup, je m'instruis, je m'intéresse le plus possible. En plus, ça a l'air de faire plaisir à Audrey.

Nous discutons aussi beaucoup. Elle m'a dit qu'elle était lesbienne. Je ne m'y attendais pas, mais ça ne me dérange pas. C'est elle que ça regarde, pas moi.

Elle sera en vacances du 14 juillet au 15 août. Heureusement que je pars aux Antilles chez mes grands-parents pendant les vacances, je n'aurais pas tenu pendant cette période sans pouvoir aller au garage.

Enfin, je reviens de vacances fin août. Je vais voir Audrey dès le lendemain. Elle est heureuse de mon retour :

- Alors ces vacances ???Tu es d'attaque ? Ta combinaison de travail t'attend...

Elle m'a acheté une combi et elle y a fait broder ou coller le nom de son garage, et mon prénom en dessous. Vous ne pouvez pas imaginer la joie que cela me procure. Décidément, cette femme est étonnante. Je l'adore. Il me tarde vraiment la rentrée.

1er septembre, je suis devant la Chambre de Métiers pour cette rentrée que j'attendais tant. Mais en même temps, j'appréhende un peu, je suis la seule fille au milieu de 15 garçons. Ils me regardent bizarrement quand mon nom est appelé pour la classe de mécanique. Je sens que ça commence bien. Par chance, je ne suis pas la seule à venir en scooter, ça a l'air d'en dérider quelques-uns. Ouf, ils n'ont pas tous l'air d'être abrutis. Celui qui se mets à côté de moi en classe se présente :

- Salut, moi c'est Fabien. J'ai bien entendu Mélodie à l'appel ?

- Oui, c'est bien ça. Salut Fabien.

Le prof fait son entrée,tout le monde se tait. Assez grand, la cinquantaine bien tassée, cheveux grisonnants, un regard pas trop dur, juste ce qu'il faut.

- Bonjour à toutes et à tous. Je suis Mr Brossier, votre professeur de mécanique.

Il regarde les élèves un à un, puis reprend :

- Il y avait bien longtemps que je n'avais pas eu une fille dans mon cours. La première que j'ai eu, c'était il y a plus de 15 ans. 17 ans même, si je me rappelle bien. Elle a eu son C.A.P. du premier coup. Elles'appelait... Audrey...

Moi : Legrand ?

- Oui, c'est ça, Audrey Legrand. Vous la connaissez ?

- Oui, c'est ma patronne.

- Elle a ouvert son garage ?

- Oui, à Mazères-Lezons. Elle l'a appelé le Madam's Garage.

- Vous voyez, quand on travaille comme il faut ici, ça peut vous mener loin. Vous lui donnerez le bonjour.

- Avec plaisir monsieur.

- Bien, vous allez prendre une feuille et faire votre présentation.

Avoir le même professeur de mécanique qu'Audrey me motivait encore plus. Un signe du destin ?

A la première récréation, certains garçons sont venus me poser des questions sur ma patronne, et surtout pour savoir ce qui m'avait motivée à vouloir passer mon C.A.P. de mécanique, au lieu de coiffure ou un autre métier plus féminin. Quand je leur expliquais la raison, ils ont tous trouvé que c'était la plus belle des raisons. Finalement, ça devrait se passer mieux que je ne le pensais. J'ai même eu l'impression que Fabien m'écoutait un peu plus attentivement que les autres.