Arthur Lechevalier

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1.

Au 19ème siècle, la maison Bonloi dominait la région par sa grandeur et ses luxuriants jardins. La dame du lieu, Madame Lechevalier était une femme exubérante. Elle ne plaisait certes pas à tout le monde. Son goût pour l'alcool, les soirées de jeux et sa recherche incessante de compagnie l'avait éloignée de la bonne société. Elle gardait néanmoins son petit cercle d'amis attachant, qui venait lui rendre visite quelques heures par semaine. C'était la plupart des femmes d'un certain âge tout comme elle, qui passaient leur temps à entretenir des jeunes hommes pour garder la fraîcheur de leur jeunesse évanouie.

Madame Lechevalier avait un fils, Arthur qui ressemblait fort à son défunt mari. Il avait hérité tout le charme et le charisme qui l'avait rendu célèbre. Louise, sa sœur aînée, s'était mariée avec Monsieur Levalois, un homme froid et méprisant. Il l'avait demandé en mariage avant que Monsieur Lechevalier ne décède. À cette époque, la maison Bonloi était mieux tenue, et la réputation des Lechevalier encore bonne.

Le fils, Arthur, venait d'avoir 25 ans. Il passait son temps avec son ami plus âgé, Jacques, dans les maisons closes et au restaurant « À l'affût » où il appréciait la musique et les femmes.

C'était un matin suivant une de ces nuits-là qu'il descendit nonchalamment les escaliers.

Madame Lechevalier, très apprêtée, recevait ses amies sur la terrasse en face du jardin. Elle portait une robe turquoise qui lui serait les rondeurs, ses mains toutes gonflées sortaient par une opération miraculeuse de ses manchettes en dentelles. Un gros bijou pendait le long de sa fine chaîne en or. Placé au centre de sa poitrine, il reflétait la lumière vive du soleil. Elle bavardait avec Alberte et Joséphine, ses deux grandes amies.

- Vous voilà assez rouge, mettez vous à l'ombre, dit Arthur.

Il passa donner un petit baiser à sa mère, qui l'enlaça fortement, montrant bien son affection maternelle. Elle se tourna vers Alberte et gloussa de contentement.

- Et vous ! Vous êtes tout pâle Arthur, couchez-vous plus tôt ! lança Joséphine d'une voix enjouée.

À dire vrai, Joséphine ne venait ces derniers temps que pour entrevoir Arthur. Elle l'avait vu grandir, mais maintenant son corps n'était plus celui d'un petit garçon. Bien au contraire, elle connaissait de réputation ses ébats de plaisir. On l'avait même vu fréquenter des femmes plus âgées, lui avait-on dit...

- L'activité maintient la forme, vous le savez bien, dit-il en s'affalant sur une chaise au côté d'Alberte.

Sa chemise était mal boutonné, et ses cheveux noirs, épais, lui tombaient sur le visage.

- Vous par contre vous risquez de vous paralyser en restant ici, ajouta-t-il.

Elles se mirent à rire.

- Mon fils est très drôle ! Reprenez du thé Joséphine !

Pendant qu'elle servait son amie, Arthur s'alluma une cigarette.

- Je vais à l'ombre, la chaleur m'étouffe, dit-il froidement.

- Bon alors attend mon chéri, nous allons tous nous y mettre !

Madame Lechevalier aidée d'Alberte, s'empressa de décaler la table et remit les chaises en place. Arthur, assit en face de Joséphine, remarqua son décolleté très avenant. Sa robe rouge lui allait comme un gant. C'était une femme voluptueuse, un peu enrobée, mais qui ne manquait pas de jolies formes. L'âge ne se lisait pas autant sur son visage que sur celui d'Alberte.

- Vous étiez « À l'affût » le weekend dernier, je me trompe ? J'ai cru vous apercevoir !

- Oui, c'est un endroit agréable, où l'on peut faire de nombreuses rencontres, n'est-ce pas ?

Arthur LechevalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant