Chapitre 14

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14.

- Je mise sur le rouge, anonça Artur en avançant ses jetons sur la table. 

Jacques concentré sur sa mise, releva soudain la tête, il reconnaitrait cette voix entre toutes. De l’autre côté de la table de jeu, il découvrit Arthur habillé en costume impécable, le noeud de papillon accroché avec classe sur son col. Il se tenait droit, ferme et son visage était sombre, sa bouche pincée retenait des mots haineux de sortir.  

Jacques essaya de ne pas se décontenancer, et avança sa mise sur le tapis. Il pariait sur le noir, non pas pour défier Arthur mais parce qu’il ne changeait jamais de couleur. «  Le noir, se dit il, et je peux payer une parure de bijoux à Marie pour la demander en mariage. Le noir, et ensuite je ne remet plus les pieds dans ce casino. Je ne veux  plus être cet homme qui perd son temps au jeu, je veux changer! » La roulette se mit à tourner, la bille suivait une course folle dans ce manège. Jacques évita de croiser le regard d’Arthur qui s'amusait à le défier. Après quelques tours, la bille commença à perdre en rapidité , tourna encore un peu, et elle s’essouffla en passant sur le numéro 22, puis le 12 et finit par s’arrêter.

- Le 32 rouge, dit le garçon de jeu d’une voix bien haute et claire.

Arthur ramassait son gain calmement. Le visage de Jacques se décomposa, il sentit son sang battre à tout rompre dans ses veines, ses lèvres se retroussèrent comme un animal prêt à se jeter sur sa proie. L’homme calme qu’il a toujours été le quittait. La colère l’envahissait et se propageait en lui comme un venin. Il venait de tout perdre. Jacques bondit de sa place et poussa les gens en se frayant un passage parmis la foule pour rejoindre Arthur. 

- Qu’est ce que tu viens faire ici? rugit il en lui empoignant l’épaule, le forçant à se retourner. 

Ce soir, il avait envie de frapper cet air narquois de son visage. Quel état d’âme pouvait-il avoir maintenant qu’il savait que Marie lui rendait visite avec sa mère certains weekend. Marie, elle même avait finit par lui avouer pas plus tard qu’hier. Ce n’était pas un simple aveu, mais une déclaration d’amour envers Arthur, son coeur était maintenant pris par ce vieil ami, ce traite, celui qui avait tout fait pour ruiner sa vie. Comment avait-il pu lui voler Marie? Quel malheureux acte désespéré de venir au jeu, acquérir un peu plus d’argent afin de la demander quand même en mariage avant qu’il ne soit définitivement trop tard. Au fond, son seul éspoir maintenant résidait sur les parents de Marie qui l’estimaient assez pour appuyer sa demande auprès d’elle. Quelle malheureuse tournure du destin! 

- Je suis ruiné, ajouta Jacques au bord des larmes. 

La main toujours appuyée sur l’épaule d’Arthur redescendit toute seule, agrippant la manche du costume comme un dernier gain. Jacques avait trop la mâchoire crispé pour exprimer toute sa souffrance. 

- Je suis désolé, fit Arthur en se dégageant froidement. 

Il partait déja, le voilà qui s’avançait dans la foule, d’une cadence plus raide qu’à son habitude. 

- Non tu ne l’es pas! cria Jacques désespéré. Tu ne l’as jamais été, continue t’il essoufflé par le poids de sa défaite. 

Arthur s’arrêta net. Il hésitait: l’ignorer, continuer son chemin ou venir à lui? Sa mâchoire se crispa. Il était venu pour revoir son ancien ami, non pas pour le narguer au jeu. Simplement lui parler. Pourquoi fallait-il qu’il n’arrive pas à pardonner? Pourquoi ne pouvait-il pas changer? Il se laissa respirer un moment, sentant des émotions contraires se dévorer dans le feu de son ventre. 

-  Si je suis désolé, se retourna t’il. 

- Tu n’es ..n’es.., bafouilla t’il en le pointant du doigt, ..qu’une pourriture! Je n’aurais jamais du te faire confiance en te parlant de Marie!

Arthur LechevalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant