Chapitre 25: Fin 1ère partie

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Madame Lechevalier ne savait plus comment faire sourire son fils. Elle inventait des histoires soit disant drôles, lui proposait d’inviter des amis, et l’incitait à sortir des que l’occasion se présentait. Mais rien ne l'interessait et même Jacques qui passait régulièrement le voir n’arrivait pas à lui donner goût de quoi que ce soit. Plus rien ne serait comme avant pour Arthur. Il avait l'impression tous les jours de ressentir le poids tragique de son destin. La rancune de Monsieur Petit était supérieure à la sienne; jusqu'à présent pourtant il en avait douté du contraire.

Le visage de Marie lui revenait sans cesse en mémoire, celui de l'adieu: un regard éteint, et voilé par la tristesse. Il lui avait pourtant promis que tout irait bien..

"La fortune n'apporte pas toutes les richesses" lui disait Louise quand ils étaient petits. Et auprès de qui maintenant trouver du réconfort ? Sa mère avait baissé les bras depuis quelques semaines, et au fur et à mesure qu'il apparaissait négligé dans le salon, elle arrêta même de prendre le thé trop longtemps en sa compagnie. Son comportement lui faisait peur, elle sentait qu'il était profondément touché et son chagrin était inconsolable. Louise était repartie rejoindre son époux et lui envoyait du courrier pour connaitre son état, mais il ne répondait plus aux lettres, sa mère s’en chargeait. 

Alberte et Joséphine, les deux amies de sa mère venaient encore régulièrement boire le thé. Tout était préparé dans le jardin, Joséphine attendait avec Arthur les autres, mais il décida finalement de rejoindre sa chambre. Le visage de Joséphine à ses cotés lui rappelait ce temps nauséabond où il était prêt à beaucoup de chose par fierté et marchandage. Il tira une cigarette de son étui et fit une petite courbette polie pour s’en aller. 

- Tiens tiens, dit Joséphine avec une petite voix malicieuse, on dirait bien que l’on a réussi a percer ton coeur! Moi qui pensais qu’il n’était qu’un caillou. 

- Et bien tu t’es alors rendue compte que rien de très intelligent ne sort d’une petite tête. 

Joséphine continua sans prêter attention à sa réflexion. 

- On parle beaucoup de ta demande en mariage. Un véritable échec apparemment! A voir sur ton visage, la rumeur dit vraie. C’est pour la petite Marie que ton coeur a flanché ? Une maigrelette aristocrate ? Arthur comme le monde est bien fait! Toi qui a épousé la liberté voilà que la vie te donne des leçons en te faisant tomber amoureux de la fille la plus guindée de notre époque!

Arthur tira une grande bouffée. Lentement sans lacher son regard, il expira la fumée. Joséphine comprit qu’il était temps de se taire. Elle caressa les plis de sa robe cherchant à cacher son mal aise. 

- Fin de la conversation, dit Arthur d’un ton sec en la transperçant de ses yeux sombres. 

                                                         ***

Marie vit la saison de l’été puis d’automne passer très lentement. Les jours étaient d’un ennui terrible. Plus aucune nouvelles d’Arthur, même de la part de Lucie. Plus d’invitations à des bals et après midi par la bonne société. Son nom : Marie Petit avait été touché par la rumeur de la demande en mariage, son aventure avec Arthur. Elle se sentait mourrir comme une feuille sur la branche de l’arbre et se détacher petit à petit. Plus rien n’avait d’importance dans ce monde mis à part son beau Arthur. Elle se repassait en boucle dans sa tête tous les moments qu’ils avaient partagés ensemble.  

Parfois, elle se demandait si elle n’avait pas rêvé. Plus jamais le mot Lechevalier n’était prononcé par ses parents. Aucun de ses amis ne mentionnait une histoire qui le concernait. Même Jacques qui était invité auparavant une fois par semaine n’était plus autorisé a franchir le seuil de sa maison. Il aurait pourtant comprit Marie..

Ses parents cherchaient à tuer son souvenir, mais Marie avait encore ses larmes pour lui rappeler son existence. Elle avait lu que les histoires d’amour font parfois mal au coeur mais ne s’oublient pas. 

Et les semaines continuaient à passer. Un matin, il faisait très froid. L’hivers avait gelé les vitres et assombrit les pièces de la maison. Marie ouvrit un tiroir à la lumière de la bougie, et y dénicha quelques lettres jamais envoyées à l’intention d’Arthur. Il fallait qu’elle continue de lui écrire, de le faire vivre en elle, même si ses papiers de tristesse restaient enfermés dans son tiroir. Elle relue sa dernière lettre datant d’il y a deux semaines, et s’assit à son bureau face à sa nouvelle feuille blanche. L’inspiration lui manquait. Son père était malade depuis une semaine, elle ne savait comment réagir. Depuis sa rencontre avec Artur dans la maison Bonloi, il n’avait plus jamais été le même envers elle. Quelque part elle portait le fardeau de la culpabilité, celui de n’avoir jamais été l’enfant qu’il attendait d’elle. D’avoir fait perdre le nom de leur famille. Ainsi, encore honteuse de prendre l’encre pour écrire à Arthur elle n’écrivit qu’une phrase:

«  J’ai écris plusieurs lettres qui ne t’atteindront jamais, Arthur. Tu me manques. »

Non, non.. Elle ne pouvait plus se lire, son père était malade et elle passait son temps à rêvasser sur Arthur! Quelle genre de fille était elle ? Elle froissa le papier dans son poing et la jetta en travers de la pièce. 

A ce moment là, un domestique frappa à la porte. Marie se couvrit les épaules avec son châle en laine bien épais et ouvrit. 

- Le médecin est arrivé. Vous devriez aller voir votre père mademoiselle, dit il d'une voix pas sereine. 

Un petit troupeau de domestiques restaient devant la porte de la chambre de monsieur Petit, on lui fit un passage et Marie pénétra dans la chambre du malade. De vieilles lampes à huile posées de ci de là dans la pièce et le feu de la cheminé faisent danser des flammes sur les murs sombres. A coté du docteur, Madame Petit sanglotait et pressait très fort son mouchoir contre son visage. Lorsqu’elle remarqua sa présence elle dit aussitôt comme pour se débarrasser d’avoir appris la mauvaise nouvelle: 

- Le prêtre doit venir, Marie, il va mourrir!

Elle finit sa phrase dans un cri aigu étranglé par des sanglots. Marie serra les poings et avança lentement vers le lit de son père. Il avait le visage transpirant et jaune comme la cire d’une bougie. Ses yeux n’étaient plus que deux orbites vides qui fixaient le plafond. Son corps se dépossédait de la vie comme s’il était trop dur de la supporter d’avantage. Marie prit la main de son père dans la sienne. 

- Père.. est ce que vous m’entendez ? 

Il ne bougea pas, ses membres étaient raidis et son visage immobilisé par la surprise. Marie leva les yeux au plafond, essayant de comprendre ce qui pouvait traversé son esprit. Mais elle comprit qu’il devait partir ailleurs, dans un monde que seul les morts pouvaient avoir accès. Quelques larmes roulèrent sur sa joue, et elle murmura dans un souffle rempli de chargrin : «  Pardonnez moi, pardonnez moi » Alors à ce moment là, son visage fatigué et malade se tourna vers elle, ses lèvres dans un dernier effort se relevèrent et se figea dans un doux sourire. Marie sanglota et doucement le prêtre l’écarta du lit. Elle écouta les serments bibliques à coté de sa mère, et en peu de temps tout était fini.

Ce jour là, Madame Petit serra si fort sa fille contre elle, que leur déséspoir ne fit qu’un. 

La veuve Petit et sa fille se rendirent à l’enterrement dans deux robes noires, le visage éteints par le voile et le chapeau austère qui portait toutes les condoléances. Marie ne leva pas une seule fois la tête de ses pieds pendant les récitations du prêtre. Pourtant, quelqu’un s’approcha d’elle pour témoigner sa compassion. Elle reconnu la voix d’Arthur, mais le laissa partir. Seule sa mère eu le courage de lui adresser la parole: 

- Merci Arthur, j’apprécie que vous soyez venu. 

Arthur LechevalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant