25.
Deux mois plus tard, Marie et sa mère étaient toutes deux occupées à broder des mouchoirs dans le petit salon. Elles se comportaient comme deux soeurs après le décès de Monsieur Petit. Marie avait redécouvert une mère plus aimante, plus adoucie. Son coeur affaiblit par le choc l'avait révélé à elle même. Elle devait s'être rendue compte que si un jour elle venait à perdre Marie, plus rien ne lui resterait. Ainsi, ne supportant pas de voir sa fille s'éteindre de jour en jour, elle cherchait à la rendre heureuse.
- Pourquoi vous ne voulez pas sortir avec Lucie ? Elle vous a invité au bal auprès de Madame de Guise. C'est l'occasion pour vous de vous divertir un peu, vous n'allez quand même pas rester broder des vieux mouchoirs avec moi toute votre vie! s'exclama madame Petit.
- Mais je me sent bien auprès de vous. Je ne vais pas vous laisser toute seule, et puis je n'ai pas envie d'y aller.
- C'est très gentil Marie, mais ça vous ferait pourtant du bien. Nous sommes en été, vous pouvez mettre de plus jolies robes aussi que celles là. - elle désigna sa robe noire de deuil - Quand je pense à toutes les dépenses que j'ai faites pour votre style et que vous ne mettez que le quart de ce que je vous ai offert, ça me rend folle!
Marie comprit qu'elle essayait de la pousser à reprendre vie. La voir éteinte toute la journée, avec ses robes, lui renvoyait sans cesse la mort tragique de son mari et la situation déséspérée de sa fille. Elle ne le supportait plus.
- On peut les revendre, dit Marie un peu espiègle en ne levant pas la tête de son mouchoir.
Elle savait que cette remarque allait la piquer au vif et s'en amusait.
- Non, enfin! On n'en est pas encore là voyons! Nous avons encore de l'argent pour vivre correctement, mais vous avez raison cette situation ne pourra pas rester comme ça indéfiniment. Je vous aime mon enfant, mais il faut songer aussi a votre bonheur. Je vais vieillir, et vivre avec une vieille dame vous sera moins amusant que d'être auprès d'un mari.
Marie se mit à rire:
- Et de quel mari s'agit-il maintenant ?
Madame Petit ne répondit pas, et s'amusa aussi de la situation. Elle piqua le tissus avec son aiguille.
- Je vous soupçonne de complèter.
Marie guetta un changement de traits sur son visage. Un sourire malicieux passe sur ses lèvres alors qu'elle continuait à broder sans relever la tête. Elle pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert.
- Voilà nous y sommes! s'excalama Marie qui ne la quittait pas des yeux. Très bien j'irais au bal mais ne comptez pas sur moi pour faire plus d'efforts!
Madame Petit qui s'était habituée à la franchise de sa fille, ne parue pas surprise, bien au contraire elle se mit à éclater de rire.
Le soir venu du bal, Madame Petit trépignait d'impatience devant la porte de Marie.
- Est ce que vous êtes prêtes ?
- Non.
- Enfin Marie, vous êtes enfermée depuis deux heures avec trois domestiques!
- Oui mais j'ai lu pendant mon bain.
Madame Petit poussa un grand soupir:
- Ce n'est pas possible, encore ces bouquins ! Je ne sais pas quel mal vous a piqué au berceau mais j'espère qu'il s'éteindra avant votre mort! Une femme a d'autres choses à penser surtout quand elle se rend à un bal!
- Pourquoi vous ne voulez pas venir avec moi? Je vais m'ennuyer.
A travers la porte, madame Petit se tordait les doigts, inquiète de voir apparaître sa fille dans une mauvaise robe. Après tout, cela faisait un moment qu'elle ne s'était pas montrée aux yeux du beau monde. Elle répondit à la complicité de sa fille avec une voix douce:
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Arthur Lechevalier
HistoryczneLa famille Lechevalier est la plus riche de toute la région. Elle perd sa bonne réputation avec le décès de Monsieur Lechevalier. Arthur, son fils, connu pour sa recherche incessante de plaisir, n'est pas attaché aux conventions de son époque et vit...