Chapitre 23

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23.

Marie laissa tomber ses bras le long du corps, la lettre à la main. Elle venait d’apprendre que sa mère avait autorisé Arthur à l’épouser en échange d’une très grande somme, bien plus encore que l’héritage qu’elle réclamait depuis le début. A coté, l’héritage de Monsieur Lechevalier n’était qu’une modique somme, l’écu que l’on donne en pourboire au cochet.  Marie se demanda si c’était possible même de posseder autant d’argent. Elle reprit son souffle et fixa Louise, complètement perdue. 

- Je ne sais pas trop quoi en penser, chuchota t’elle. 

Ses sentiments d’amour pour Arthur virevoltaient comme des étincelles dans son coeur, tout ce dont elle avait rêvé était maintenant là, écrit noir sur blanc. 

- Tu n’as qu’à dire que ta mère est une charmante femme mais très vénale! ria Louise. Arthur m’a avoué qu’elle le détestait et qu’elle a joué la mère éplorée, prête à tout pour sauver sa famille de l’infortune lorsqu’il lui a demandé si elle accepterait sa demande en mariage. Ta mère a même osé lui dire qu’il n’était que la dernière chance pour sauver sa fille du désastre. 

- Quel désastre ? 

- La pauvreté. Elle avait l’air de dire que vous manquiez de beaucoup de choses. Lorsque l’hivers s’installe vous avez bien souvent pas assez de bois de chauffage pour réchauffer toute la maison. Les dépenses de vos parents vont dans tes robes et les bals pour que tu puisses plaire à un gentlemen de bonne condition. 

- Pas du tout! s’exclama Marie indignée. 

Elle sentit la colère montée. Encore un mensonge de sa mère! Comment pouvait elle dire avec autant d’aplomb qu’ils étaient dans le besoin? Marie ne connaissait pas les affaires de son père et la situation réelle de sa famille, mais elle ne prenait pas trop de risque en disant qu’il n’était pas pauvre! En plus, les désirs de sa mère si insatiables étaient bien plus couteux que les siens! 

- Il a bien fallu à ma mère un escuse pour accepter la demande d’Arthur. Elle a surement hésiter entre la réputation de notre famille - ou plutôt SA réputation- et la richesse qui assurait la prospérité de notre nom à jamais. Ma mère aime tellement l’argent qu’Arthur a du lui couper le souffle en lui proposant une telle somme!

- Tout compte fait, c’est tant mieux non ? 

Marie comprit que Louise cherchait à connaître ses sentiments. Une petite gène ne lui permettait pas de répondre directement à sa question. 

- Il y a quand même quelque chose que je ne comprend pas, partagea Marie. La dernière fois que ma mère est allée à la maison Bonloi, je n’étais pas là, c’est donc à ce moment là qu'Arthur lui a demandé son autorisation en échange de beaucoup d’argent. Mais ensuite, lorsqu’elle est rentrée je me rappelle qu’on a eu une conversation. Elle a insisté pour que je vienne chez Edmond cet après midi dans le seul but que je me refasse une bonne réputation et que j’oublie Arthur. Pourquoi me demanderait elle de faire ça si elle est prête à me marier avec lui ? 

Louise resta pensive, puis ajouta naturellement:

- Elle a eu des remords. Une femme comme elle n’est pas née non plus sans coeur, elle a déjà du se confesser une bonne dizaine de fois crois moi! Elle s’est dit d’un coup «  pauvre de moi, qu’est ce que j’ai fait à ma fille! » Et dans un dernier élan, elle espérait réparer son acte en espérant que tu annonces la venue d’un autre prétendant. Un homme qui est venu cet après midi, qui est riche, reste dans les convenances, et qui te trouverais une place dans la société. J’ai nommé Edmond! 

Marie se mit à rire:

- Quel retournement de situation! Tout au départ ma mère voulait absolument me marier avec Jacques et maintenant Edmond! 

- Je suis désolée de te l’avouer mais je crois que pour Edmond c’est raté!

Elles se mirent à rire toutes les deux. Marie accepta la main de Louise qui l’emmena dans la voiture. 

                                                            ***

Arrivée dans la maison Bonloi, un silence pesant se fit ressentir. Marie ne découvrit la mère d’Arthur dans aucune pièce qu’elle traversait. Toute la maison semblait gelée. Elle suivit Louise monter les escaliers. Louise avait maintenant la mine grave et ne disait plus un mot. Arrêtée devant la porte de la chambre d’Arthur, elle cola son oreille. 

- Je ne sais pas si il est encore là, chuchota t’elle. Depuis Trois jours il refuse de sortir de sa chambre. Ma mère a déclaré son état grave, mais elle s’en fait toujours un peu de trop, ajouta t’elle pour rassurer Marie. Je ne sais pas finalement si c’est une bonne idée que tu sois là. Et s’il réagissait mal ? Il pourrait m’en vouloir de t’avoir fait venir ici. 

Au contraire, Marie s’avança, convaincue. 

- Je vais essayer de lui parler. 

- Tu en es sur ? Parfois il n’est pas trop d’humeur à recevoir des gens, lorsque son coeur s’est refermé c’est très difficile de communiquer avec lui. J’ai essayé de lui parler hier il n’a rien voulu entendre. 

Louise avait les larmes aux yeux et elle ajouta : «  Et j’étais ce qu’il avait de plus important dans sa vie » Marie comprit que ça lui faisait mal de se rendre compte qu’une autre femme comptait désormais pour lui. 

- Il vous aime toujours, dit Marie a voix basse en lui caressant l’épaule affectueusement, le lien que vous avez ensemble ne sera jamais perdu. 

Marie sentait dans son coeur qu’il y avait un petit coin pour Louise, elle ne lui volerait jamais sa place. Louise la remercia silencieusement et acquiesa de la tête : elle comprit ce qui allait se passer. Elle partie doucement, la laissant seule. 

Lorsque Marie posa son oreille sur la porte, elle cru entendre le battement affolé de son propre coeur. Elle devait l’affronter. Une derniere fois, elle reprit une très grande inspiration et frappa quelques coups à la porte. Personne ne répondit. Elle n’avait même pas l’impression qu’il y avait quelqu’un dans cette chambre. Son coeur continua de battre la chamade. Elle n’était jamais allée dans une autre chambre que la sienne, encore moins celle d’un homme, seule en plus. Mais il était trop tard pour faire demi tour, trop tard pour rejoindre ses parents et leurs demander pardon. Ils allaient de toute façon être informé de tout. Elle refrappa. 

- C’est moi Arthur, dit elle timidement ne sachant pas quoi dire de plus. 

Elle s’éclaircit la voix. 

- Vous êtes là? 

Quelque chose fit du bruit derrière la porte. 

- Je n’ouvre seulement si tu me tutoies enfin. 

Marie sourit. C’était bien une réponse d’Arthur!

- Ha bon ? Et alors moi je dois me transformer en femme sans manière et vous vous restez comme vous êtes ? Qui a dit que ce ne pourrait pas être le contraire pour une fois , et si vous me vouvoyez? 

Elle entendit son petit rire. 

- N’importe quoi! 

Arthur LechevalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant