- Danielle –Je déteste ce cœur qui accélère. Je déteste ces mains moites. Je déteste ce pincement qui se forme dans le creux de mon ventre. Pourquoi ça ne veut pas s'arrêter ? Pourquoi ça recommence ?
- Relax. Ça se trouve, il est même pas là, marmonne Léon qui lève les yeux au ciel.
- Je vois pas de qui tu parles, je mens en fronçant les sourcils.
J'ai toujours apprécié la maison de Clovis. Elle est petite, coquette, chaleureuse. Avant que sa mère ne la quitte, il y avait des bonnes odeurs de pâtisseries presque tous les jours. Maintenant, la maison me semble plus froide et empeste le propre, les produits ménagers, ceux qu'on retrouve un peu partout.
Léon presse son doigt avec force sur la sonnette, il insiste un peu plus que nécessaire. Je sais qu'il adore ça, il est resté un grand enfant. Rien que l'idée de provoquer du bruit le fait marrer. Ou de provoquer tout court.
Mes yeux sont rivés sur la porte d'entrée, je ne sais pas ce qu'ils espèrent y découvrir, ou je fais semblant de ne pas savoir. Petite déception ou grand soulagement : Clovis. Il se stoppe sur le palier et m'observe sans comprendre. Il me sert la même expression hébétée que Léon, il me contemple de haut en bas, redécouvrant cette Danielle que j'avais enterré avec David.
- Qu'est-ce que... souffle-t-il en nous contemplant maintenant tour à tour.
- Faut qu'on parle, on a un truc sympa de programmé pour toi mon grand, s'amuse Léon en franchissant la distance qui nous sépare.
Clovis se renfrogne, le petit trait entre ses sourcils s'agrandit. Il ne veut pas nous voir.
C'est une première pour nous. Clovis ne refuse jamais rien. Il fait mine, il râle, il proteste, mais il dit oui. Là, je le sens faire non de la tête.
- Putain, ça fait deux mois. Pas de nouvelles, pas de réponses à mes messages, lâche-t-il. Et vous débarquez avec votre discussion comme s'il s'était rien passé ? C'est quoi votre problème ?
- Le même que toi Clo. Le départ de David, j'explique sans oser croiser son regard.
- Vous m'avez pas laissé vous aider. Vous avez été là quand j'ai perdu ma mère, et vous m'avez pas laissé être là pour vous, souffle-t-il et dans sa voix fébrile j'entends clairement sa tristesse.
- Tu peux pas nous demander de tous gérer notre deuil comme toi, je tente d'assurer.
Clovis nous aime. On le sait. On le voit. Il nous aime à sa façon. Cette façon protectrice, paternelle, chaleureuse. Moi j'aime à distance. Léon aime comme un enfant. On a pas laissé Clovis nous aimer comme il l'aurait voulu. Je comprends sa colère, je comprends sa tristesse, et je crois qu'il finira par comprendre aussi notre décision.
- Mec, si on fait ce qu'on a prévu, tu vas regretter ta solitude de ces derniers mois tellement tu nous auras sur ton dos, lui lance Léon avec son sourire charmeur.
- Je plaisante pas Léon, s'agace Clovis.
- Eh ben pour une fois, moi non plus ! assure-t-il. Achille est là ?
Bon sang. Je déteste ce prénom, ces trois syllabes, ce double L si agréable, ce grand A qui semble annoncer quelque chose d'important. Je voudrais les cracher avec dégoût, les expulser de mon vocabulaire, ne plus frémir. Je voudrais oublier leur sonorité. Je voudrais oublier. Je voudrais l'oublier lui aussi, ma vie serait plus simple. L'amour ne suffit pas entre nous, ça n'a jamais été le cas.
En réalité, j'ai même longtemps cru qu'il ne pouvait pas m'aimer parce qu'il me faisait trop souffrir. On fait pas souffrir les gens qu'on aime pas vrai ? C'est le principe.
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Où est David ?
Aktuelle Literatur"Venez, on se tire loin. Loin de tout. " Il est parti. David les a quittés. Il les a laissés derrière, tous les cinq, lui il a pris de l'avance. Il a toujours été en avance sur tout David, et en particulier toujours sur eux. D'abord il y a...