- Danielle –
Achille est au volant, il est si détendu. Il a même une ébauche de sourire. Est-ce que ça veut dire qu'il m'a pardonnée ? Je ne sais pas. Je ne saurais peut-être jamais. Il ne parle pas. Il garde les choses, il bouffe tout ce qui pourrait lui faire ressentir quelque chose, il met ça au creux de son ventre et attend que ça explose.
C'était ça, notre discussion ? Son ventre qui explosait ? Je ne sais plus. J'ai parfois l'impression de ne plus le connaître depuis qu'il est parti. De ne plus savoir comment faire avec lui. Le soleil d'Australie ou les rancœurs trop grandes à supporter, lui on fait modifier tout ce que je pensais savoir sur lui.
- Les gars, nous interpelle Clovis qui endosse le rôle de co-pilote. On s'arrête ici il y a un parking à l'entrée de la petite ville, là, avec un nom chelou. On pourra y passer la nuit.
- Chéri, arrête de me donner des ordres, s'exaspère faussement Achille en faisant rouler son volant. La thérapeute t'avait fait promettre d'arrêter. Déjà que j'accepte la présence de ta maîtresse, faut pas trop en demander non plus tu sais.
- Tu traites qui de maîtresse au juste ? l'interpelle Léa depuis la cuisine où elle se prépare calmement une tisane.
- Mais c'est qu'elle la ramène en plus la poissonnière là-bas ?! Alors qu'elle fait sa michto pour les vacances ! réplique Achille.
J'aperçois Léa se rapprocher calmement mais sûrement des sièges du conducteur et se pencher vers Clovis pour lui offrir un baiser langoureux. Même Louise et Léon arrêtent leur discussion pour observer la scène.
- Il est juste jaloux, l'écoute pas, j'entends Clovis affirmer alors que Léa caresse de ses doigts les contours de son visage.
- Attends Achille, j'arrive pour te rouler une pelle à toi aussi t'en fais pas, promet Léon qui s'est déjà levé.
Achille appuie brusquement sur le frein et tout le monde est projeté un peu plus en avant sur son siège, Léa qui s'est rassise à côté de moi manque de glisser du canapé. Léon, lui, est tombé à la renverse et a chuté au sol, il presse ses fesses sur lesquelles il a brutalement atterri.
- On est arrivés ! clame Achille qui ne cache pas sa joie de narguer Léon depuis le rétroviseur.
Il est vraiment de bonne humeur aujourd'hui. Alors c'est vrai, c'est fini ? C'était aussi facile ? J'y peux rien mais je sens mon ventre qui se gonfle un peu de joie. J'y peux rien. J'aspire malgré moi une bouffée d'espoir. Je déteste ça, l'espoir ça me fait souffrir. Toujours et inévitablement. Parce qu'il s'ancre sous la peau, il se glisse dans les veines, il rend heureux, trop heureux. La chute est sans cesse vertigineuse. Je n'aime pas l'espoir, je sais que j'ai une haute dépendance à ce genre de drogue. Mais j'oublie, j'oublie en sachant qu'Achille a pardonné.
Je regarde par la fenêtre pour cacher mon soudain sourire. Le parking est rempli de véhicules, pour la plupart de camping-cars à l'allure presque similaire à la nôtre. Certains occupants sont même à l'extérieur, ils ont sorti des tables mobiles et se sont installés sur des chaises en plastique facilement transportables. Un vieil homme chauve en débardeur est affalé dans un siège juste devant son camping-car, abrité du soleil par un store à la couleur verte défraichie, une bière à la main. Il est sûrement là depuis toujours, il est immobile et serein. Comme s'il trouvait seulement sa place ici, sur cette étendue de béton.
Le paysage suisse est apaisant, tout en relief, des monts s'élèvent dans les airs, recouverts d'arbre qui leur forment un pelage vert qui adoucit la rudesse de leurs formes asymétriques.
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Où est David ?
Narrativa generale"Venez, on se tire loin. Loin de tout. " Il est parti. David les a quittés. Il les a laissés derrière, tous les cinq, lui il a pris de l'avance. Il a toujours été en avance sur tout David, et en particulier toujours sur eux. D'abord il y a...