Où est David ?

XXVII. Moi aussi

- Achille -

Aujourd'hui est une belle journée. C'est comme si on l'avait tous décrétés. Clovis se remet de sa rupture, Louise et Léon se sont réconciliés, et je suis presque satisfait de conduire depuis deux heures. On se dirige lentement vers l'Italie, on a unanimement pris la décision de ralentir le rythme, de passer plus de temps dans un même endroit. Secrètement, on a peur de la fin du voyage.

Danielle est sur le siège conducteur, elle dort à moitié à côté de moi, ses lunettes de soleil sur son nez et habillée de son large T-shirt Gun's and Roses et d'un mini-short en jean complètement déchiré. Ses jambes nues sont étalées en longueur, ses pieds dans ses bottines posés sur le panneau de bord. Ils laissent des traces de terre, du genre dégueulasse à nettoyer. C'est pas comme si ça m'emmerdait, je suis pas Clovis. Non, la seule chose qui m'intéresse c'est sa peau nue, ce bout de rose qu'elle dévoile, il m'obsède même, je dois me forcer à garder les mains sur le volant et les yeux sur la route. A croire qu'elle le fait exprès de gesticuler, de s'étirer, de faire vivre ses courbes, de respirer. Elle me fatigue.

Dans le rétroviseur, Léon capte l'un de mes regards et me fait un air goguenard. Je lui articule d'aller se faire foutre, il fait semblant de pas comprendre. Lui aussi il me fatigue.

Pourtant, je suis vraiment heureux aujourd'hui. C'est assez rare pour que je sois capable de le réaliser. J'ai le sourire greffé aux lèvres, c'est comme de se lever avec un bouton sur le pif. C'est là et on y peut rien.

Le portable de Danielle vibre sur son siège, ça la réveille. Elle jette à peine un coup d'œil sur le destinataire et s'apprête à se rendormir. Je peux pas m'empêcher de regarder, c'est plus fort que moi. J'ai même pas le temps de comprendre que je vais le faire, ou d'essayer de m'empêcher de le faire, que c'est trop tard.

Elle reçoit plein d'appels mystérieux ces temps-ci, d'un mec, un certain Philippe si j'ai bien réussi à comprendre toutes les fois où j'ai espionné l'air de rien. Je devrais pas ressentir quoi que ce soit, mais ça m'énerve, ça me rend dingue à chaque fois que je la fois disparaître son téléphone sur l'oreille. Elle n'a jamais eu de relation sérieuse, qui est ce type qui devient trop régulier dans sa vie ?

Mais cette fois-ci, je vois s'afficher « Adrien ».

- Tu détestes toujours ton frère alors ? je la questionne en comprenant qu'elle n'a pas l'intention de répondre.

Elle se tient le crâne dans la paume, comme si elle venait de choper un coup de soleil et pousse un long soupir de lassitude.

- Je le déteste pas, m'assure-t-elle.

- Hmhm, je grogne. Si tu le dis. Qu'est-ce qu'il te veut ?

- Parce que ça t'intéresse ? réplique-t-elle.

- Bah écoute, je conduis depuis deux heures, j'ai rien d'autre à foutre que d'écouter tes lamentations.

Mensonge. J'adore ne rien foutre en conduisant. J'adore écouter de la musique. J'adore réfléchir. Ou ne pas réfléchir. Je déteste parler au volant, mais parler avec Danielle c'est autre chose. Sûrement qu'elle devine, mais j'ose espérer qu'elle a juste envie de me parler elle aussi.

- Rien. Il s'inquiète pour moi à cause de David, me dit-elle simplement. Mais c'est simplement pour se donner bonne conscience.

- Ça fait combien de temps que tu le détestes déjà ?

- Je le déteste pas, répète-t-elle avec agacement.

- Ok, ok. Ça fait combien de temps que... vous vous... enfin que les rapports sont... tendus ?