XVII. Les échos

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- Clovis -


           

           

- Hé mec, t'as le droit de pleurer ça va, c'est pas comme si j'étais ce genre de con qui allait te dire que ça prouve que tu manques de virilité.

J'ai la tête entre les mains, je connais cette voix. Je la reconnais. J'écarte les doigts délicatement pour apercevoir sa silhouette qui me fait de l'ombre. Il a la casquette bleue et le sourire insolent, on ne peut pas le rater. Il me surplombe de quelques mètres, je suis dans une espèce de trou et de la terre me tombe sur le crâne. Ça me rentre dans les yeux mais je m'en fiche. Je ne le lâche pas des yeux, il est là.

- C'était pas moi qu'on était censé enterrer ? me dit-il amusé en m'adressant un clin d'œil.

J'observe autour de moi, je suis assis sur une chaise posée au fond d'une tombe, des bouts de racine viennent me chatouiller la nuque. Je ne me rappelle pas ce que je fous là.

- T'as eu le droit à un cercueil toi au moins, je constate tristement.

Je relève le visage vers lui, David s'accroupit pour se pencher vers moi. Il a sa tête des bons jours, avec ses yeux qui pétillent de cette malice qui lui est propre.

- Dis, t'es heureux David ? je le questionne.

- Tu sais bien que c'est plus compliqué que ça, rétorque-t-il. Ça l'a toujours été avec moi.

- Tu vas revenir ?

- Qui t'a dit que j'étais parti Clovis ? s'enquit-il en haussant un sourcil de perplexité. C'est pour ça que vous faites ce voyage alors ? Parce que vous pensez que je me suis perdu ?

Ma tête tourne, ma vision se fait floue, même si j'essaye de me concentrer sur la moindre de ses expressions.

- Tu vas revenir ? je répète complètement sonné.

- J'ai croisé ta mère l'autre jour, elle fait toujours des putains de pâtisserie, tu le sais ça ? m'annonce-t-il. Allez Clovis, il faut que je te laisse. Et arrête de rêver de moi, c'est carrément flippant ok ?

Je hurle parce que sa silhouette se fait lointaine, le sol sous mes pieds s'effondre. Les murs de terre montent, montent et David se fait de plus en plus petit, ce n'est plus qu'une silhouette sombre face au soleil. La lumière disparaît et je m'enfonce de plus en plus dans ma tombe. Je hurle plus fort. Quand tout devient complètement noir, je réussis à ouvrir les paupières.

Je suis dans le lit double, les volets peinent à cacher la luminosité matinale qui pénètre doucement dans l'habitacle. Il fait tellement chaud, des gouttes de sueur perlent sur mon front.

Mes joues aussi sont trempées, je n'essaye même pas de les essuyer parce que je me suis déjà remis à pleurer. C'était si réel, si vrai, j'aurais pu le toucher, j'aurais pu le tirer avec moi. J'aurais pu le sauver, je suis cassé en deux. Même sa voix résonne encore dans ma tête comme un écho, c'est distant et répétitif.

- Clovis ? Qu'est-ce qu'il se passe ? se réveille Léa qui colle son torse à mon dos.

- Il est... Il est mort, je sanglote en respirant difficilement.

Je la sens se tendre derrière moi, je sais que même deux mois plus tard, c'est toujours aussi dur à entendre. C'est bizarre d'être enlacé par une personne qui nous est presque inconnue. Ses mains remontent jusqu'à mon cœur et m'enlacent plus fort. Elle me berce comme un gosse, comme ma mère le faisait, et mes larmes finissent par se tarir.

Où est David ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant