- Léon –Les lumières qui me parviennent deviennent peu à peu roses et oranges, je les ai regardés colorer le ciel depuis la fenêtre de la chambre. Je me suis levé tôt ce matin. Enfin, levé, c'est pas le mot. Pour ça il aurait fallu que je réussisse à m'endormir. Je dormais pas cette nuit. Je me retournais, je pensais trop. A l'inverse, Louise s'est vite assoupie, lasse de ses propres sanglots. Elle m'a laissé seul avec mes pensées, avec mes peurs, mes angoisses, celles qui tournaient tout autour du lit. J'ai beaucoup pensé à David, à ce qu'il m'aurait dit, à ce qu'il aurait voulu que je fasse, mais j'arrivais pas à lui donner une voix, une pensée, j'arrivais pas ce soir. Je sais pas si c'est à cause du temps qui passe, je sais pas si c'est parce qu'il n'aurait pas eu envie de me donner de réponses, mais j'ai longuement été tétanisé par l'idée de peut-être oublier sa voix.
Je me tire du lit, il doit être six heures du matin. Louise dort paisiblement, son visage est serein, comme si le sommeil avait su recoller à ma place tous ses morceaux brisés. Pendant un court instant, je crève de jalousie, parce que je n'ai pas su l'apaiser, elle n'a pas voulu de mon réconfort. Je rejoins le salon plongé dans un noir complet, j'enfile une paire de baskets qui traîne par terre sans trop savoir à qui elle appartient et je m'échappe du camping-car. On est garés au milieu de nulle part, à plusieurs minutes à pied de la boîte de nuit de la veille, celle coincée entre deux villes, entre la nuit et le jour, entre les rires et les larmes, celle où j'ai songé bêtement que rien n'aurait d'importance.
- Ouais, on va en Italie, j'entends soudainement. Je sais pas Phil, je sais pas. Arrête de pleurer, s'il te plaît. C'était ta décision, il faut l'assumer et arrêter de regretter. C'est fait, c'est comme ça.
C'est la voix de Danielle. Elle est debout quelques mètres plus loin et tourne en rond son téléphone posé sur l'oreille. Je referme la porte du camping-car et elle finit par se rendre compte de ma présence. Elle tente de faire mine de rien, elle reprend une expression neutre, mais je ne suis pas dupe.
- Je dois raccrocher. Promis. J'te rappelle. Oui, demain. Salut.
Ses mots sont tranchants, brefs, murmurés, interdits. Mais à dire vrai, ce matin, je me fiche des secrets de Danielle. Je ne lui dis rien, je ne suis pour une fois pas spécialement ravi à l'idée d'avoir de la compagnie.
- T'as merdé hier, me dit-elle en glissant son téléphone dans les grandes poches de son bas de pyjama.
- Ah tu crois ? je raille. On merde tous en ce moment Dany, je crois que c'est contagieux.
- C'est pas faux. Quand on voit dans quel état s'est foutu Clovis...
Elle soupire longuement après avoir prononcé le prénom de notre ami.
- J'ai bien cru qu'il allait me vomir dans le lit, j'ai dû l'accompagner jusqu'à la salle de bain en plein milieu de la nuit, souffle Dany.
En effet, je remarque enfin ses cernes bleutés qui soulignent gravement ses yeux. C'est pourtant difficile de percevoir la fatigue sur son visage si détendu. Il est ouvert son visage en ce moment, c'est assez rare pour le remarquer, c'est comme s'il invitait à la contemplation. C'est comme s'il laissait enfin échapper quelques mots.
- Tu veux marcher un peu ? me propose-t-elle.
J'opine de la tête et on se met à avancer. On marche longtemps en silence, sans trop savoir où on va, comme d'habitude. Le soleil perce l'horizon, et on continue de suivre ce petit sentier de terre comme s'il nous donnait un cap.
- Comment t'as fait, avec David, pour... tu vois quoi, pour passer de vêtement à... sans vêtement ? je baragouine.
Doucement, j'ose lui jeter un regard. Je n'aime pas parler de David, je n'aime pas penser à David, mais j'ai besoin de savoir. J'ai besoin qu'elle me le dise.
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Où est David ?
Ficción General"Venez, on se tire loin. Loin de tout. " Il est parti. David les a quittés. Il les a laissés derrière, tous les cinq, lui il a pris de l'avance. Il a toujours été en avance sur tout David, et en particulier toujours sur eux. D'abord il y a...