Chapitre 7

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Pendant plusieurs semaines, Anna et les autres voyagèrent jusqu'aux confins du continent, observant le soleil se coucher quasiment face à eux chaque soir, lorsqu'ils montaient le camp pour dormir. Ce n'est qu'après avoir mené leur petit groupe sur une route plutôt pentue qu'ils arrivèrent au bord de l'océan qui s'étendait à perte de vue. Les falaises les en séparaient de plusieurs centaines de mètres de vide, s'étendant à l'infini ou presque à l'horizon, leur tranquille paysage seulement perturbé par une cahute de pierre tassée, qu'Anna pouvait apercevoir au loin.

Ils s'y arrêtèrent et entreprirent alors de récupérer les affaires indispensables chargées sur les chevaux ou entassées dans le chariot afin de les réunir dans un filet que le propriétaire de la cabane - un vieil ermite au visage mangé par une immense barbe grise - avait étalé pour eux sur le sol. Il était rattaché à un panier en osier démesuré qui trônait à l'arrière de la cahute.

Anna ne comprit qu'à ce moment-là - Sélia n'aurait pas été très fière d'elle - qu'il s'agissait là de ce qui leur permettrait d'atteindre le prochain point de leur voyage : l'immense île flottante juste au-dessus de leurs têtes. Mais quelque chose ne tournait pas rond - comment cette embarcation allait bien pouvoir leur permettre d'échapper à la gravité ?

Cette réponse ne lui fut apportée que plus tard - quand Yuwen eut discuté et marchandé avec le vieil homme. Ce dernier, après avoir reçu une bourse replète et quelques provisions de la part de son maître d'armes, avait sorti un sifflet sculpté en forme d'oiseau. Le son qu'il en tira résonna jusque dans le crâne de la future gardienne, se propageant jusqu'au fin fond du ciel.

- Et... et maintenant ? chuchota-t-elle à Agaric.

- Maintenant, on attend. Ils vont bientôt arriver.

- Ils ?

- Tu verras, conclut-il avec un petit sourire malicieux.

Un soupir accueillit sa réponse. Pourquoi tout le monde autour d'elle ne prenait jamais la peine de lui offrir des réponses correctes, ou tout du moins, qui aient du sens ? Cela finissait par devenir franchement frustrant ! Elle se résolut donc à ne pas bouder (tout du moins, à essayer de ne pas le faire) et à attendre patiemment (ou presque). Cette semi-patience, faite de coups d'œil un peu partout et de grognements face aux sourires amusés de ses compagnons, finit par être récompensée, après quelques minutes.

Agaric lui pointa le ciel à ce moment-là, désignant du bout du doigt des formes sombres qui semblaient s'approcher à toute vitesse, presque comme s'ils étaient en chute libre. Ils ne ralentirent qu'en arrivant presque à la hauteur du sol, et freinèrent brusquement en ouvrant ... leurs ailes.

C'était ça. Tout à fait.

Des ailes.

Chacune de ces personnes - ils devaient être une petite quinzaine, à vue d'oeil - en possédait une paire rattachée à leur dos. Certaines ressemblaient à des visions angéliques aux ailes plus ou moins sombres, d'autres avaient des appendices à l'aspect plus fragile, comme celles de papillon, voire même, parfois, de chauve-souris.

La jeune femme referma la bouche en sentant un petit coup de coude de la part d'Agaric, se souvenant du même coup que les dévisager avec la langue pendante n'était peut-être pas la chose la plus polie qui soit. Elle les observa donc se poser sans rien dire, tout de même un peu intimidée. Ce n'était pas tous les jours qu'on rencontrait des gens qui pouvaient littéralement... voler !

Yuwen s'avança à leur rencontre lorsque tout le petit groupe fut posé.

- Toutes mes salutations. Nous vous remercions d'avoir accepté notre présence au sein de l'île Luttan, c'est un très grand honneur.

Les Gardiennes d'AclosiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant