Chapitre 1

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Rouge.

C'était tout ce qui tournait dans sa tête. Du rouge. Du rouge partout. Rouge cerise, rouge grenat, rouge sombre.

Rouge sang.

Du sang qui s'écoulait lentement, tachant tout - le parquet, le tapis, la peau et les vêtements, ses joues, ses cheveux et ses mains. Du sang qui gouttait, et chaque goutte était une seconde, un souvenir de moins dans le corps de sa mère. Le corps de sa mère qu'elle secouait frénétiquement, essayant tant bien que mal de la réveiller, ses larmes nuançant le liquide sombre, diluant la mort avec du désespoir.

Une voix déchira le voile sombre qui obscurcissait son esprit.

- Anna... Anna !

Anna. C'était son nom.

C'était elle. Elle était Anna. Elle était la fille de cette femme morte, couchée sur le sol. Et celle qui la secouait... Elle jeta un coup d'œil en arrière, rencontrant des yeux bleu foncé dévorés par la terreur. Léna. Sa meilleure amie.

Cette dernière, comprenant qu'elle avait attiré l'attention de son amie, la força à se relever aussi vite qu'elle le pouvait, la maintenant pour qu'elle ne retombe pas. Son regard errait furieusement dans toute la pièce, passant sur les meubles déplacés, les rideaux déchirés et les objets cassés qui jonchaient le sol. Elle chuchota près de l'oreille d'Anna, qui peinait encore à tout comprendre.

- Je suis sûre que l'assassin n'est pas loin. Anna, on doit partir, vite !

Elle avait déjà verrouillé ses doigts sur le poignet de son amie, prête à s'élancer, quand un homme vêtu de noir apparut dans l'encadrement de la porte qui menait à la cuisine. Les trois silhouettes se figèrent sur place, chacune fixant tour à tour les deux autres, hésitant sur la conduite à adopter, la prochaine action à mener. Le cerveau d'Anna était comme anesthésié, ce fut donc Léna qui réagit - suivie, un dixième de seconde plus tard, par l'étrange personnage.

Comprenant qu'il ne leur voulait certainement aucun bien, elle tourna les talons et entraîna dans sa course son amie, la faisant trébucher sur le coup. L'autre n'hésita pas, se lançant du même coup à leur poursuite. Mettant à profit la connaissance des lieux qu'elle avait acquise au fil de ses séjours chez son amie, Léna se rua dans le couloir sur la droite, laissant Anna claquer derrière elles la porte de ce dernier.

Elles étaient devant l'entrée de l'appartement quand l'autre les rejoignit.

Et pendant un instant, Anna crut que tout était fini. Qu'elle allait retrouver sa mère dans un possible au-delà, avant même d'avoir trop souffert de sa perte. Elle n'avait que dix-huit ans, n'avait quasiment pas vécu, mais au moins pourrait-elle...

- Ainsi donc les filles étaient avec elle... tant mieux, vous allez me faire gagner du temps.

La voix de velours avait figé la main de Léna sur la poignée. L'homme, persuadé qu'il tenait ses proies, s'avança d'un pas lent, un couteau d'une longueur effrayante dans la main. Mais au moment où il allait pouvoir atteindre Anna, Léna finit par réagir, ouvrant la porte d'entrée à la volée pour se précipiter dans les couloirs de l'immeuble.

Elles avaient à peine passé la porte qu'une lumière blanche envahit leur vision.

Les deux filles eurent un instant l'impression de flotter dans le vide.

Et puis ce fut le noir.

***

Un sol tiède réchauffait sa joue, une odeur entêtante de pin envahissant ses narines. La jeune fille, peu certaine de ce qu'elle était censée faire, garda quelques instants encore les yeux fermés, tentant de faire appel à tous ses sens pour déterminer ce qu'il se passait. Elle se sentait allongée sur ce qui devait être un parquet, ses muscles la tiraillant de douleur. Des relents métalliques envahissaient son nez à chaque inspiration, accélérant de plus en plus son cœur. Loin, presque au-dessus d'elle, elle entendait un chuchotis de différentes voix, mais elle ne parvenait pas à saisir ce qui se disait.

Les Gardiennes d'AclosiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant