Chapitre 14

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Pendant quelques instants, la confusion la plus totale régna.

Les trois dragons eux-mêmes semblaient perdus, volant sans aucune grâce, forçant leurs cavalières à se cramponner comme elles le pouvaient à leurs selles pour ne pas déraper dans le vide - la pire des trois étant certainement Elys, qui sentait que Kleïark n'était pas loin de chuter purement et simplement dans le vide. Leur seul salut fut le cri mental que poussa Venlëth, permettant aux deux autres de se ressaisir. Les gardiennes ne purent comprendre ce que les dragons échangèrent ensuite, l'échange mental allant trop vite pour elles. Tout ce qu'elles furent en mesure de comprendre, c'est qu'un danger régnait sur la zone. Avant même qu'elles n'aient eu le temps de dire "ouf" ou de remettre correctement les deux pieds dans les étriers, les trois dragons filaient déjà à toute allure.

En direction des Falaises du Nord.

Elles auraient aimé pouvoir poser des questions, s'interroger, faire quoi que ce soit.

Mais aucun des dragons ne répondit, trop concentrés sur l'objectif qu'ils s'étaient fixés en repartant : fuir, et se mettre à l'abri eux et leurs cavalières aussi rapidement que possible. Si l'inquiétude commençait à gagner Anaca et Leya, elle dévorait déjà le cœur d'Elys, qui sentait son ventre cuire d'une douleur plus qu'inquiétante. Elle se savait totalement indemne - rien ne l'avait touché au cœur de l'anarchie. Ce qui signifiait, visiblement, qu'il ne s'agissait pas d'elle mais de Kleïark. Ce dernier devait être blessé, et faisait tout pour filer le plus vite possible, malgré la douleur.

Qu'est-ce qui pouvait bien s'être passé pour déclencher une telle frayeur ?

Pendant plusieurs heures, les trois dragons traversèrent le ciel et la plaine à toute vitesse, s'aidant des courants ascendants pour voler plus longtemps que leurs ailes n'auraient pu le permettre. Kleïark était souvent à la traîne, forçant le groupe à ralentir pour ne pas le perdre. Les montagnes du Nord-Est, qui n'étaient qu'une simple silhouette au moment où ils étaient partis, grossissaient à vue d'oeil, aussi imposantes que dans les souvenirs de Leya. Il fallut encore un bon moment aux dragons pour atteindre ces dernières, puis slalomer devant les différentes parois à la recherche d'une grotte où tous pourraient s'abriter.

Ils finirent par en trouver une, suffisamment profonde pour que Kleïark puisse s'y engager tout entier et s'affaler sur le flanc, au fond, totalement à l'abri des regards, du vent et de la pluie. Sitôt qu'Anaca et Leya eurent aussi mis pied à terre, le plus âgé s'adressa à sa compagne :

- Anaca, Venlëth et moi allons partir à la recherche de gibier. Essayez d'évaluer les blessures de Kleïark, et voyez si vous pouvez faire quoi que ce soit.

- Entendu. Soyez prudent, tous les deux.

Un hochement de tête plus tard, les deux dragons redécollèrent dans un nuage de poussière et s'éloignèrent à tire-d'aile. Les deux jeunes filles se rapprochèrent du troisième, s'agenouillant un peu en retrait d'Elys, qui palpait déjà doucement le flanc de son ami.

Anaca lança d'une voix hésitante :

- Elys ? Qu'est-ce que tu vois ?

- Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Répondit celle-ci en détournant à peine la tête pour lui jeter un regard.

La gardienne des couleurs ne se laissa pas démonter, fronçant à son tour les sourcils.

- Je contrôle la magie de l'Eau. Les habitants du lagon m'ont appris à soigner la plupart des blessures. Si tu me laissais...

- Très bien, soupira son interlocutrice après quelques instants. Elle se décala pour lui faire une place. Je crois que ce ne sont que des brûlures, mais certaines sont très profondes, je me demande ce qui a pu faire de tels dégâts...

Les Gardiennes d'AclosiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant