Chapitre 3

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Anna commençait sérieusement à avoir mal au ventre.

Tant que Léna était restée près d'elle, elle avait réussi à tenir, à ne pas s'effondrer. Mais elle venait de perdre son seul repère, la seule personne qu'elle connaissait et à qui elle pouvait se confier dans toute cette histoire de dingue. Comment allait-elle bien pouvoir faire, maintenant ? Qu'allait-elle devenir, tout au long de ces deux années ?

Prise d'un vertige, la jeune fille s'arrêta, appuyant sa main sur le mur à côté d'elle pour trouver un peu de soutien. Il fallut quelques secondes à la domestique qui la guidait dans les couloirs pour se rendre compte qu'elle ne la suivait plus.

- Mademoiselle ?

Revenant sur ses pas, la femme – aux traits déjà matures, elle aurait pu être sa mère - s'accroupit pour observer le visage de la future gardienne par en dessous. Comprenant que la jeune fille essayait de ne pas succomber à un malaise, elle l'invita à aller s'asseoir sur le rebord d'une des fenêtres, prenant place à ses côtés.

Pendant quelques minutes, le silence régna, laissant Anna se forcer à retrouver un semblant de souffle. L'autre ne disait rien, se contentant de l'observer, une main posée sur son épaule pour toute consolation. Finalement, la plus jeune articula :

- Madame ? Vous ne...

- Oh, vous pouvez m'appeler Esma, gardienne !

- Très bien. Esma, vous ne deviez pas m'accompagner voir quelqu'un ?

- Si, votre nouveau professeur, c'est exact. Mais je ne pouvais pas vous laisser dans cet état sans rien faire. Et puis, Maître Yuwen est quelqu'un de très patient, ce ne sera pas un problème.

Elle l'observa un petit instant, comme curieuse de ce qu'elle avait sous les yeux.

Enfin, elle se permit un sourire.

- C'est fou comme vos expressions sont pareilles aux siennes. Si j'avais un jour pu imaginer avoir cette chance...

- Pardon mais... de quoi vous parlez exactement ? rétorqua Anna avec un mouvement de recul. Qui était cette femme, au juste ?

- De votre mère, Nethalia, répondit cette dernière sans lui laisser le temps de réfléchir plus avant. J'ai l'impression de la voir elle, il y a presque 30 ans de ça.

Anna sentit quelque chose se serrer douloureusement dans sa poitrine - puis cogner, de plus en plus fort. Sa bouche s'assécha. Elle fronça les sourcils et articula, presque froidement :

- Vous... connaissiez ma mère ?

- Eh oui ! J'imagine que ce n'est pas un hasard si on vous a confiée à moi maintenant. Ma jeune sœur Clannie et moi étions bonnes amies avec elle - nous l'avons rencontrée lorsqu'elle faisait sa formation ici. Qu'est-ce qu'on a pu rigoler, toutes les trois !

Les yeux de la femme brillèrent de souvenirs malicieux pendant quelques secondes, puis elle se concentra à nouveau sur son interlocutrice, qui la fixait avec scepticisme. Un nouveau sourire habilla son visage.

- Ce n'est peut-être pas le bon moment, cependant. Je dois vous conduire à maître Yuwen, qui va vous enseigner le maniement des armes et du combat... et il vous faudra encore rencontrer Dame Sélia, votre autre professeur, cet après-midi. Mais si vous le voulez bien, Clannie et moi pourrions venir vous rendre visite un peu plus tard ? Je suis sûre qu'elle adorerait aussi pouvoir vous rencontrer.

- Je... Vous me parleriez d'elle, en échange ?

L'espoir qui cognait encore dans sa poitrine fleurit, réchauffant tout son corps, lorsque la domestique acquiesça vivement. Ce fut à son tour d'esquisser un sourire.

Les Gardiennes d'AclosiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant