Chapitre 6

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Astien abattit son bâton une seconde trop tard.

Cela arrivait de plus en plus souvent, maintenant qu'ils avaient quitté l'Île du Ciel et que Léna avait réussi à totalement maîtriser à la fois la force du vent et la première facette de son pouvoir des ombres - bien plus pernicieuse. Elle ne pouvait certes pas lire dans les pensées - elle avait encore besoin de se perfectionner sur ce point, et son professeur lui avait bien dit qu'il lui faudrait alors toucher les gens pour y arriver - mais elle parvenait à sentir, presque à "lire" les mouvements de l'autre au cœur d'un combat, pour ensuite y réagir au mieux.

Reculant d'un bond, elle évita un autre coup d'estoc et abattit la lance à double-tête qu'elle utilisait depuis presque une année déjà. Elle commençait à pouvoir la manier les yeux fermés, connaissant son allonge comme une sorte d'extension de son propre bras. Mais cela n'empêchait pas Astien de...

Ce dernier, avant qu'elle n'ait pu formuler une autre pensée, s'était déjà avancé suffisamment près pour la toucher. D'un saut, il évita le mouvement destiné à lui faucher les chevilles. Elle n'eut pas le temps de se retourner qu'il s'était déjà glissé dans son dos, et d'un formidable coup de pied, l'avait envoyée voler à deux mètres de là. Elle leva la main, à terre, pour implorer la fin du combat - ce qu'il lui accorda gracieusement.

- Pas mal, Leya, pas mal !

- Oui, c'est pour ça que je mords encore une fois la poussière.

- Tu la mords de plus en plus tard, surtout. Tu verras que tout cela ne va aller qu'en s'améliorant. Tu es vraiment la digne héritière de ta mère.

La jeune fille accueillit le compliment avec une grimace et, une fois debout, alla s'asseoir près du feu. Elle versait déjà leur repas dans les deux écuelles quand son maître vint s'installer en face d'elle, épongeant la sueur sur son front du revers de sa manche. Il fallait dire que leurs combats devenaient de plus en plus ardus et longs au fil du temps, maintenant qu'elle parvenait à lui tenir tête - au moins un moment.

Après quelques cuillerées de ragoût, Léna releva la tête, piquée par la curiosité.

- Maître ? Où se dirige-t-on, exactement, maintenant ?

- Comment ?

- On a quitté le peuple du Vent parce que je parvenais à me débrouiller seule et que je pouvais finir d'apprendre sur la route, Sûu me l'a dit, et c'est pareil pour les ombres. Mais maintenant, où va-t-on aller ? Qu'est-ce qu'il me reste à apprendre ?

- Oh ! Eh bien, on commencera par faire un petit tour dans la plaine - il me faut rendre quelques visites en ville – et tu as d'autres maîtres des ombres à voir pour certains pouvoirs. Après ça, je pensais t'emmener au Nord, rencontrer le peuple des Eaux. Qu'en dis-tu ?

- Le peuple des eaux ? Je vais... rencontrer des sirènes ?

Comme à son habitude, Astien éclata de rire devant la question presque candide de son élève. Il ne répondit pas, se contentant de lui indiquer de finir de manger, l'arc de la jeune fille n'attendant qu'elle pour s'entraîner durant l'après-midi.

***

- Tu ne penses pas que tu exagères un peu ?

- Mais non, je te jure ! Il veut ma peau j'en suis sûre, tu vois une autre explication à ça, toi ?!

Anna dut endurer sans mot dire le regard lourd de sous-entendu d'Agaric. Celui-ci était en train de terminer de nouer un bandage sur sa main, déjà recouverte d'une sorte de cataplasme à l'odeur bizarre, censé aider à faire cicatriser la brûlure sur sa main. Brûlure qu'elle devait bien évidemment à l'entraînement que lui avait infligé Akan quelques heures auparavant, et qui s'était très mal terminé.

Les Gardiennes d'AclosiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant