Ad Aurelius et Furius

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Si vous avez lu un passage d'une ridicule farce que j'écris "La Divine Bouffonnerie" (vive la réclame éhontée!)  ou que vous avez eu la chance de suivre une éducation prestigieuse en littérature vous connaissez ce cher Catulle. Il n'y a pas un genre de poésie qu'il n'a pas exploré, aussi lettré qu'obscène est l'homme! Ce seizième poème est célèbre pour sa censure, les traducteurs jugeant ses vers inappropriées firent de bien belles périphrases (tradition toute française).

Néanmoins ne jetons pas trop la pierre aux anciens traducteurs étant donné que de nos jours nous sommes encore frileux dans nos dictionnaires de langues anciennes contrairement au monde anglophone. Une fois n'est pas coutume, je mettrais 3 versions, une traduction fidèle au texte, une censurée ainsi que la version originale. Je vous gâte n'est ce pas ?


Contre Aurelius et Furius.

Je vous enculerai, vous sucerez ma queue,
Tarlouze d'Aurélius, et toi, Furius, pédé :
Vous avez lu mes vers, assez pour vous fonder
À me croire impudique : ils sont licencieux.
Un poète bien sûr doit être chaste et pieux,
Mais pourquoi faudrait-il que le soient ses poèmes ?
Eux sont plus amusants – et plus jolis, quand même ! –
S'ils défient la pudeur et sont licencieux,
Et s'ils ont le pouvoir d'exciter de picots
Certes pas le blanc bec, mais l'adulte poilu
Ankylosé de reins qui le tiennent perclus !
Vous deux, pour avoir lu mon « milliers de bécots »*,
Vous me jugez à peine mâle ou juste un peu ?
– Je vous enculerai, vous sucerez ma queue.

* : allusion à un de Catulle.

(traduction de Lionel-Édouard Martin 2012)


A Aurelius et Furius

Je vous donnerai des preuves de ma virilité, infâme Aurelius, et toi, débauché Furius, vous qui, pour quelques vers un peu libres, m'accusez de libertinage. Sans doute il doit être chaste dans sa vie, le pieux amant des Muses ; mais dans ses vers, peu importe ; ils ne sont piquants et enjoués que lorsqu'ils peuvent exciter le prurit du désir, je ne dis pas chez l'adolescent, mais chez ces vieillards velus qui ne peuvent plus mouvoir leurs reins engourdis. Vous avez lu ces vers où je parle de plusieurs milliers de baisers, et vous me croyez, comme vous, lâche, efféminé ; mais je vous donnerai des preuves de ma virilité.

(Traduction de Héguin de Guerle, 1837)


Ad Aurelius et Furius

Pedicabo ego vos et irrumabo,
Aureli pathice et cinaede Furi,
qui me ex versiculis meis putastis,
quod sunt molliculi, parum pudicum.
Nam castum esse decet pium poetam
ipsum, versiculos nihil necesse est;
qui tum denique habent salem ac leporem,
si sunt molliculi ac parum pudici,
et quod pruriat incitare possunt,
non dico pueris, sed his pilosis
qui duros nequeunt mouere lumbos.
Vos, quod milia multa basiorum
legistis, male me marem putatis?
pedicabo ego uos et irrumabo.

             Catulle.                         


Ayant de l'affection pour Héguin de Guerle, l'homme ayant trouvé une périphrase que beaucoup de traducteurs usèrent (inutile de dire laquelle) c'est lui que j'ai choisi pour la version censurée mais il en existe une dans le même style des années 30. Concernant la première elle est très fidèle, la plus fidèle j'oserais même dire, si vous désirez une traduction moins familière, moins pudibonde il y a celle  de Jacky Lavauzelle "Allez-vous faire foutre et bien d'autres choses encore" . Faisant tout de même l'impasse sur le "pedicabo vos ego" c'est à dire un verbe décrivant un acte sexuel accentué avec le mot "ego" car en latin pas besoin de pronom devant le verbe.

Pour ceux et celles toujours dubitatifs je m'en vais répondre à votre interrogation, oui Catulle essaye de se défendre d'être un pornographe, dépravant la jeunesse en commençant son poème par un "jvous baise", en effet il n'est pas crédible.

PS: Sincèrement "prurit du désir " comme expression vaut de l'or!

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