Force et courage

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Voilà donc une semaine entière que j'errai quelque part dans une forêt, à une vingtaine de kilomètres de Lizbag. Vidée de la moindre goutte d'énergie, j'avais décidé de m'arrêter un moment. Je m'étais allongée avec soulagement, et j'avais laissé mes pensées voyager en regardant les nuages. 

Cette semaine avait été la pire de toute ma vie. Quand j'étais partie de notre foyer, j'avais abandonné toute mon insouciance à l'instant même où j'avais franchi les frontières du village, avançant tant bien que mal dans le noir, dans un lieu que je n'avais encore jamais foulé. Ma méfiance naissante s'était très vite transformée en une peur dévorante. 

Depuis notre plus jeune âge, nous étions bercés par d'innombrables histoires sur les bêtes sanguinaires qui rodaient en dehors du village, ou encore sur la nature qui prenait impitoyablement la vie des plus faibles. J'avais entendu assez de choses sur l'extérieur pour n'avoir aucune envie d'y rester seule. Et pourtant, j'en étais exactement là en ce moment. 

Les premiers jours, étant encore proche de quelques villages, je n'avais pas détecté de mouvements étranges ni de cris de prédateurs. Je m'étais prudemment enfoncée dans la forêt sans véritable danger. J'avais commencé à croire que cette épreuve ne serait pas si difficile que ça. 

Mais j'avais très vite compris mon erreur. 

J'avais l'impression que tout autour de moi n'était qu'un immense piège dans lequel j'avais foncé tête la première. Et qui se renfermait sur moi, lentement mais sûrement. Les bruits, de nuit comme de jour, étaient si oppressants que j'avais du mal à respirer. Je n'avais aucune seconde de répit et je ne dormais (ou plutôt somnolait de manière vigilante) jamais plus d'une ou deux heures d'affilées. J'étais en permanence sur le qui-vive. Et grâce à ça, j'avais pu éviter le chemin de plus d'un prédateur, dont un gigantesque ours à six pattes qui m'avait tellement terrifié que j'étais restée terrée dans ma cachette pendant des heures sans oser faire le moindre mouvement. 

Une semaine. Ça ne faisait qu'une semaine. Et j'avais pourtant l'impression qu'il s'était écoulé plusieurs mois tellement chaque minute était interminable. C'était un véritable cauchemar dont je ne voyais pas le bout. Je ne m'étais nourrie que de racines comestibles et de quelques baies, n'ayant pas très envie d'aller chasser des bêtes pour qui je pourrais très vite devenir le repas. Je mourrais de faim, et je m'étais progressivement vidée de mes forces. Jusqu'à ce que je m'écroule ici, en plein milieu de nul part, à terrain découvert. Je faisais une proie facile. Mais tout ça n'avait plus d'importance.

"Quand tu n'auras plus peur". Je me remémorais les dernières paroles d'Anya, juste avant mon départ. Quand je n'aurais plus peur...autant dire jamais !

Puis j'ai cessé de lutter. J'ai lentement fermé les yeux, et je me suis endormie.

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Le lendemain, lorsque je me suis réveillée, je n'ai pas tout de suite compris où j'étais ni pourquoi j'avais si froid. Je n'avais aucune idée du temps qui s'était écoulé, mais je me sentais encore terriblement fatiguée. Il faisait sombre et mes vêtements humides me glaçaient la peau. Je me suis redressée et j'ai scruté les alentours.

Puis j'ai repris mes esprits et je me suis levée d'un bond, brandissant mon poignard devant moi, tous mes sens à l'affût. J'étais étonnée d'être encore en vie, et je me suis maudite intérieurement. J'aurais pu mourir cent fois. Anya m'avait pourtant tout appris, j'avais réussi tous ses entraînements de survie haut la main. Et maintenant que j'y étais vraiment, je faisais toutes les erreurs que je m'étais jurée de ne jamais commettre.

Je devais me ressaisir. Trouver un abri. Chasser. Faire du feu. Avoir d'autres objectifs que la simple survie m'aidait à me concentrer et à ne plus penser aux nombreuses manières de mourir.

Leksa Kom TrikruOù les histoires vivent. Découvrez maintenant