"Quand tu n'auras plus peur"

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Alors que j'étais en train de mâcher pensivement mon morceau de viande, j'ai soudain pris conscience d'une curieuse sensation qui m'habitait depuis maintenant plusieurs jours, mais à laquelle je n'avais pas vraiment prêté attention. J'ai reposé ma nourriture et j'ai essayé de faire le vide.

J'entendais le bruit du ruisseau en contre bas, le hurlement d'une panthère un peu plus loin, le bruissement des feuilles soufflées par le vent.

J'ai inspiré un grand coup, bercée par tous ces bruits qui m'accompagnaient maintenant depuis environ 4 ou 5 mois. Ou peut-être même plus, j'avais fini par perdre la notion du temps.

Je me sentais apaisée. Sereine.

Au début, tous ces bruits m'angoissaient et me donnaient l'impression que la mort se cachait derrière chacun d'eux.

Il y a quelques semaines encore, ils me rendaient méfiante et sur le qui-vive.

Aujourd'hui, ils faisaient partie de moi, de mon nouveau quotidien. Je savais identifier avec précision tous les sons de mon environnement.

Il était temps de rentrer à la maison.

Je n'avais plus peur.

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PDV Anya

Malgré ma confiance totale en Leksa, et malgré toutes les belles paroles que je servais à Jeyk et son père pour les rassurer, j'étais également très inquiète. Je savais parfaitement que cette épreuve pouvait être longue, j'avais moi-même mis environ 1 an avant de revenir voir mon mentor. Il restait donc à Leksa encore un peu plus de 3 mois avant que je ne commence sincèrement à paniquer, et à partir à sa recherche.

Mon inquiétude commençait petit à petit à prendre le pas sur mes devoirs en tant que chef de Lizbag. Ce n'était pas digne d'un chef. Ce n'était pas digne de moi.

Je me débrouillais pour rester le plus souvent possible au village, afin de ne pas manquer le retour de Leksa.

La nuit, je faisais les cents pas dans ma maison. Je m'arretais quelques fois dans la chambre de Leksa et j'y restais des heures, errant comme une âme en peine. Je l'aimais comme s'il s'agissait de mon propre enfant, et son absence me brisait le cœur, à moi, une guerrière qui avait depuis longtemps banni de sa vie la moindre émotion.

Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer les pires scénarios. Jour après jour, je devenais un peu plus irascible. Je ne dormais plus que quelques heures par nuit.

Varran aussi s'impatientait. Il avait fait envoyer des guerriers qui me surveillaient jour et nuit, prêts à me tuer si nécessaire. La tension entre Varran et moi était devenue telle que nous avions fini par arrêter de nous fréquenter depuis plusieurs mois.

L'absence de Leksa m'avait ouvert les yeux. Je n'avais jamais pris conscience auparavant de l'importance qu'elle avait pour moi, ni de toute la richesse qu'elle avait apporté à ma vie. J'apprenais au moins autant d'elle que ce que j'essayais de lui enseigner. Sa présence avait refermé de vieilles blessures dont j'ignorais l'existence.

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Un peu plus d'un mois venait encore de s'écouler lentement. Je revenais d'une réunion à TonDc et j'étais morte de fatigue. J'avais galopé toute la nuit et à toute allure pour rentrer le plus vite possible à Lizbag.

J'ai laissé mon cheval à l'écurie et je me suis dirigée d'un pas vif jusqu'à la maison, plus par l'habitude que l'attente avait forgée au fil du temps que par réel espoir de voir Leksa.

J'ai poussé la porte d'entrée et mon coeur a raté quelques battements. Mes membres se sont à la fois figés, contractés, tout en semblant ne plus parvenir à me soutenir.

Leksa Kom TrikruOù les histoires vivent. Découvrez maintenant