Combattre pour l'honneur

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Tous mes muscles étaient tendus à l'extrême, prêts pour le combat.

Mes poings serrés faisaient blanchir mes phalanges. Les mois passés à errer dans les bois m'avaient affaiblie et j'en avais bien conscience : je n'étais clairement pas au mieux de ma forme. Ma blessure à la jambe était encore très douloureuse, et toute boursoufflée. Et mon adversaire semblait redoutable.

Les guerriers du campement s'étaient regroupés et formaient un large cercle tout autour de nous. La nuit était tombée et un feu crépitait joyeusement au centre de l'assemblée, créant une barrière entre Costia et moi. Entre deux flammes, je pouvais voir son propre regard s'embraser. Elle n'était même pas en garde de combat, ses bras pendaient négligemment le long de son corps, et elle tenait le poignard de mon père dans sa main gauche, la lame pointée vers l'arrière. Je ne comprenais pas trop ce qu'elle attendait, ni si c'était une stratégie ou si elle ne me considérait tout simplement pas comme une menace.

Le bruit des tambours s'est élevé, d'abord lent et doux, puis de plus en plus vif et rapide. Mon coeur s'est mis à battre furieusement dans ma poitrine, cognant au rythme des coups de tambours. Nous avons tourné quelques secondes autour du feu pour se jauger.

Puis je me suis propulsée en avant pour combler la distance qui nous séparait. J'ai frappé du poing pour atteindre son visage mais il n'a fait que fendre l'air. Costia l'avait évité d'un simple mouvement d'épaule, faisant rire les guerriers. Je n'étais pas particulièrement susceptible, mais cette fois-ci, je n'ai pas vraiment apprécié, d'autant plus que je défendais aussi l'honneur d'Anya et de mon clan.

J'ai serré la mâchoire, contrariée. Puis j'ai à peine eu le temps de bloquer un coup, puis d'en éviter un autre. Ses attaques se succédaient dans une tempête de férocité, et je ne parvenais pas à reprendre l'avantage. Mon corps était lourd, ma tête me faisait souffrir, et mes côtes endolories par mon précédent combat avec Costia m'arrachaient des grimaces de douleurs à chaque torsion que j'imposais à mon buste afin d'éviter ses attaques puissantes. Une première entaille déchirant toute la longueur de ma joue a fait jaillir mon sang noir.

Elle était vive et précise, entraînée à tuer.

Mais je l'étais plus encore.

Voir mon sang couler le long de la lame du poignard de mon père avait fini par me remettre définitivement les idées en place.

J'ai fait mine de riposter sur son flan gauche. Tandis qu'elle adaptait sa garde et sa position pour me contrer, je lui ai décoché un crochet du droit qui la percuta en plein visage, aussitôt suivi de deux coups de points dans l'estomac qui lui coupèrent le souffle. Elle réussit toutefois à esquiver mon coup suivant, et avant que je puisse esquisser le moindre geste, son genou s'est abbatu tout droit sur mes côtes déjà blessées, m'arrachant un cri de douleur. D'un geste vif, elle frappa de la main qui tenait le poignard de mon père.

J'ai bloqué son poignet d'une main ferme. Aussitôt, elle essaya de me donner un coup de sa main libre, que j'ai également saisi avant qu'il ne m'atteigne. Elle tenta de se dégager de mon emprise, mais je la tenais d'une poigne de fer. Sans attendre de perdre cet avantage, j'ai pris un peu d'élan pour lui asséner un grand coup de tête. Elle cria de douleur et titubant de quelques pas en arrière. Du sang coulait sur son visage. J'ai eu un rictus satisfait qui la mit en rogne.

Elle semblait enfin me prendre au sérieux. Tout comme les autres guerriers qui observaient le combat.

Nous avons tourné autour du feu, en essaynt de trouver une ouverture pour un nouvel assaut.

Mais le combat avait déjà trop duré.

J'ai attendue d'être cachée par les flammes hautes du feu qui nous séparaient, je devinais sa silhouette qui se dessinait derrière.

D'une détente, j'ai bondi dans un cri guerrier, comme Anya m'avait appris à le faire, et je me suis élancée au travers des flammes. J'ai protégé mon visage de mes bras. Le feu a instantanément mordu ma peau et j'ai retenu un cri de douleur en serrant les dents. La douleur que je ressentais a vite été remplacée par une froide détermination.

Il n'y avait plus de douleur. Il n'y avait plus que la victoire.

J'ai jalli des flammes, sous le regard étonné de Costia et de toute l'assemblée. Mon genou l'a percuté en pleine poitrine et elle s'est écrasée au sol. Sans lui laisser une seconde de répit, j'ai roué son visage d'une pluie de coups violents.

Elle est parvenue à planter le poignard de mon père dans ma cuisse, mais j'ai continué à la frapper sans réagir. Elle se dégagea finalement et me renversa au sol à mon tour. Lorsqu'elle se planta au dessus de moi pour prendre l'avantage, j'ai attendu qu'elle se déséquilibre en voulant me frapper du poing, puis je l'ai saisi par les bras, et je l'ai propulsé en arrière grâce à l'impulsion de mes jambes. Comme l'avait fait Anya avec moi, des années auparavant. Elle est allé s'écraser un peu plus loin, sa tête heurtant violemment le sol. Je me suis relevée d'un bond et je suis allée à son niveau. J'ai retiré d'un coup sec le poignard qui était toujours planté dans ma cuisse, je l'ai nettoyé avec le tissu de mon haut, et je l'ai remis dans son fourreau.

Costia gisait inerte, étalée sur le sol. Elle ne se releva pas. Les tambours ont cessé de battre. Le combat était terminé.

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"Leksa kom Trikru, tu as combattu avec force et honneur. Comme nous te l'avons promis, tu es libre de partir."

Le chef du groupe m'a salué à la manière des guerriers avec respect. Se tenant à ses côtés, Costia m'a saisi le bras à son tour et a planté ses yeux dans les miens. Son visage était encore bien marqué par notre combat de la veille, tout comme devait l'être le mien.

"Tu t'es bien battue Leksa. Hier, tu m'as donné une leçon qui restera gravée dans ma mémoire, et pour cela je te remercie. Je vais continuer d'apprendre et de progresser, et j'espère qu'un jour j'aurais à nouveau l'occasion de me mesurer à toi. Et de te battre."

"Je suis heureuse d'avoir croisé ta route, Costia. Et je suis curieuse de savoir qui tu es vraiment."

Je n'avais pas oublié l'intérêt et l'attention que les guerriers portaient à cette fille. Il était évident que tous étaient prêts à donner leur vie pour la sauver si nécessaire.

Elle s'est contentée de sourire d'un air mystérieux.

"Au revoir, Leksa."

Leksa Kom TrikruOù les histoires vivent. Découvrez maintenant