Chapitre 18

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Été 2016. Carmel-by-the-sea, Californie.

La vie a repris son cours et les gens trop bouleversés par le séisme ont écourté leurs vacances pour se remettre chez eux, à l'abri de ceux que rien n'écorche. Louis et moi ne sommes plus sortis de notre bulle depuis la journée à la clinique et je réalise qu'on a été secoué chacun à notre manière. Lui parce que c'est effrayant et que le monde va mal ; ce n'est un secret pour personne, avec ce réchauffement climatique et toutes ces catastrophes naturelles qui nous tombent sur le coin de la gueule comme des averses. Avant, une inondation après de forte pluie c'était surprenant et maintenant, c'est presque normal et les assurances en font une force pour attirer les clients. Louis a peur parce que c'est ce qu'il se passe quand on réfléchit trop, et moi... et bien moi je réalise que mon père n'avait pas tord. Depuis qu'on a claqué la porte, ma mère et moi tentons de nous convaincre que nous avons vécu comme des paranoïaques reclus dans leur monde, parce que tout ça n'arrive qu'aux autres, dans des pays que nous ne visiterons jamais. Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui et je ne sais plus comment réagir. Je ne sais plus comment gérer tout ça. Je me demande si nous ne serions pas plus en sécurité dans le Tennessee, je me demande si je ne devrais pas convaincre Louis de m'y suivre. J'ai tenté de joindre Kelly à de nombreuses reprises pour savoir si elle allait bien, si elle avait accouché, si elle acceptait de m'éclairer sur les décisions à prendre, mais elle n'a jamais répondu. Je suis paumé et effrayé – et c'est la première fois que ça m'arrive.

Nous ne parlons que très peu avec Louis. L'ambiance est étrange parce que nous sommes incapables d'être loin l'un de l'autre, même si nous sommes également incapables de nous dire ce qui nous effraie. Parfois il quitte mes bras, mon lit, il disparaît plusieurs heures durant lesquelles il me manque affreusement et puis il revient se blottir contre moi pour qu'on soit proches à nouveau. Nous avons fait l'amour plusieurs fois dans le silence le plus complet et j'ai peur que toute cette situation ne soit qu'un avant goût de fin. Comme si la vie nous laissait le choix, comme si ce silence nous hurlait qu'on pouvait tout arrêter si nous en avions envie, parce que s'engager pour une durée indéterminée, c'est trop effrayant. Louis lâche prise, je le sens. Il me laisse partir et peut-être que je ne m'accroche pas autant que je le devrais. Il m'autorise à m'éloigner parce qu'il sait que s'enfermer dans cette ville de merde pourrait nous tuer mais il en oublie nos projets et ça me fait peur. Je ne veux pas être oublié, je ne veux pas qu'on me range dans le coin des bons souvenirs et qu'on tourne la page sur un été qu'on a adoré mais dont on ne se souviendra que très peu parce que l'élément le plus fort de tout ça, c'est ce foutu séisme qui nous a secoué jusque dans nos âmes. Je veux – et j'ai besoin – que les choses rentrent dans l'ordre. Louis est un rayon de soleil et il ne doit pas s'éteindre, parce que putain, mon monde sans soleil serait foutrement froid et sombre.

. . .

Il est 4 heures du matin, Louis est affalé contre moi, haletant. Nos corps en sueur et nos souffles saccadés tremblent encore de l'amour qu'on vient de faire. J'ai chaud et froid à la fois. Je suis bien et mal en même temps. Louis embrasse mon torse, le caresse du bout des doigts. Il reprend son souffle et je le couvre jusqu'à la nuque pour éviter qu'il ne s'enrhume plus qu'il ne l'est déjà. La climatisation de la maison est bloquée et Rick refuse que maman s'en charge – question de fierté. Alors il fait froid et Louis en a le nez engourdi. Il ne parle pas mais lorsque ses yeux croisent les miens, je sais qu'il en meurt d'envie parce que, lui aussi, il a peur que ce soit la fin, peur que chaque baiser soit le dernier.

On se regarde mais je ne sais pas quoi lui dire car on ne parle pas après l'amour, jamais. C'est lui qui a instauré ce climat et je m'y suis habitué bien plus que je n'aurais pu le penser. Il me supplie du regard d'envoyer valser nos habitudes alors je lui souris et j'approche mes lèvres pour lui voler un baiser. Je cherche ses mains et je lie nos doigts.

RESTE AVEC MOI, tome 1 - Summer TimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant