Hunter's shade

Chapitre 3 - Elite

 Les pensées effleuraient mon esprit sans s'y attarder. C'était comme si, soudain, le monde avait cessé de tourner. Immobile, je regardais Jih arracher son arme du corps de Wanda. Ce corps qui, quelques minutes plus tôt, était encore plein de vie, habité par un talent rare et un esprit étonnant. Mes yeux fixèrent l'éclat de rubis sur l'acier, mais je refusais de croire ce qu'ils voyaient. 

 Et  l'horrible petite voix dans ma tête susurrait : "Elle est morte. Elle est morte. Elle est morte.". Et, comme toujours, ses paroles me touchaient. Mais cette fois, c'était bien pire. J'avais l'impression qu'on m'arrachait les entrailles, qu'on m'enfonçait un fer rouge dans la poitrine. 

 Je regardais à nouveau l'Elite, sa lame rougie par le sang, le pantin sans vie qui avait été ma seule amie. 

 Et, soudain, la pique qui me torturait devint une flamme. Grondante et affamée, elle commença à me dévorer tout entier. J'aurais voulu hurler, la cracher, qu'elle s'échappe loin de moi. Mais je savais que cela ne me soulagerais pas. Le seul moyen d'éteindre ce brasier était de le noyer. De le noyer dans le sang. 

 Jih devait payer pour la mort de Wanda. J'en avait la certitude. Elle devait mourir, comme celle qu'elle avait tuée. Il me semblait soudain que cela faisait partie de l'Ordre des choses. Et j'en était le glaive, l'exécuteur implacable.

 ELLE DEVAIT PAYER !

 D'un bond, je me projetai dans l'Arène. L'Elite me dévisagea, l'air surprise. 

 -Eh, gamin. Tout va bien?

 Pour toute réponse, je fis un pas en avant. Elle qui m'impressionnait tant était devenu à mes yeux un animal, une créature que je me devais d'abattre. A tout prix. 

 -Tes yeux... 

 Je ne la laissai pas finir sa phrase, lançant d'une voix forte :

 -Aileen ! Je provoque Jih Orneon en duel à l'épée, ici et maintenant !

 Elle écarquilla les yeux, et ouvrit la bouche pour protester, quand Jih déclara :

 -J'accepte ce duel. 

 Un murmure étonné parcouru la foule. Kerrick, qui finalement avait sans doute décidé de rester dans le coin, me lança mon arme. Je l'attrapai par la poignée, avec dextérité. 

 -J'ai misé sur ta défaite, mon vieux.  

 En temps normal, j'aurais répondu avec un sarcasme désagréable. Mais, en cet instant, cela n'avait aucune importance. Je me moquais de ce que pensaient les autres. L'Elite devait mourir. C'était tout ce qui comptait.

 Je dus me retenir pour ne pas attaquer avant que l'on retourne une clepsydre. Tremblant d'impatience, je m'élançai dès que l'eau rouge commença à s'écouler. 

 Les flammes décuplant mes capacités, je bougeais si vite que les contours de ma lame en étaient flous. N'importe qui aurait été mis hors combat en quelques secondes. Mais pas Jih. Elle semblait impossible à atteindre, esquivant et parant à une vitesse terrifiante. Ses contre-attaques étaient précises, calculées au millimètre près. Je ne pensais pas rencontrer un jour une telle adversaire. Une adversaire capable de me vaincre. Elle jouait avec moi. Mais je n'avais pas l'intention de céder un pouce de terrain. Je voulais sa mort. Plus que tout. 

 J'avais déjà tué. Plus de fois que vous ne pouvez l'imaginer. Mais à chaque fois, c'était par devoir, froidement. Jamais je ne suis entré dans l'Arène avec le désir de mettre fin à une vie. La mort était un résultat, pas une fin en soit. Si mon adversaire était Apte, il vivait. S'il était Inapte, il mourrait. C'était simple, logique.