Chapitre 11 - Le responsable

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 Dès que nous sommes rentrés, j'ai poussé Corbeau à se rendre à l'infirmerie du château. Cette dernière bénéficiant d'une technologie tôtienne, il me promit que, dans une heure, il serait de retour, me laissant seul dans la salle d'attente.

 Cela me laissa tout le loisir de rejouer dans ma tête la mort de ma mère. J'avais tué ses meurtriers, mais pourtant, ma soif de vengeance n'était toujours pas apaisée. Je ne connaitrais pas la paix avant d'avoir achevé mon œuvre. J'avais frappé la main. Je devais à présent atteindre le cerveau.

 Je tendis devant moi ma main ouverte. Inspirai profondément. De petites flammes commencèrent à courir sur mes doigts. Elles restaient instables, et j'avais du mal à ne pas les laisser s'éteindre, mais elles étaient bien là, à ma demande. Avec le temps, sans doute allais-je devenir plus doué.

 -Tu es resté là tout ce temps ?

 Je sursautai. Corbeau s'était téléporté à côté de moi. L'absence de cicatrice sur sa joue me fit froncer les sourcils.

 -Les tôtiens sont des génies dès qu'il s'agit de sciences. Heureusement qu'ils ont le courage d'une mésange, sinon, ils pourraient être dangereux.

 -Alors, ici, personne ne meurt ?

 -Pourquoi, tu voulais que je meure ?

 -Non !

 Il éclata de rire.

 -Si, des gens meurent à Linngard. Seuls les Aptes, à partir du niveau de Maître, peuvent bénéficier de l'infirmerie tôtienne, et seulement une fois tous les deux mois. On ne fait pas totalement confiance aux tôtiens. Ils pourraient bien en profiter pour nous inoculer des maladies.

 Il marqua une pause, avant de déclarer.

 -En tout cas, si tu veux recommencer, vise Héra, s'il te plait, pas moi. Et si tu arrives à atteindre un organe vital, je te donne une partie de ma paie.

 -Les trois quarts.

-Tu rêves.

 -Alors non, désolé.

 -Bah, je trouverai bien un autre moyen.

 C'est ce moment qu'Héra choisit pour faire irruption dans le couloir.

 -Un autre moyen de quoi ? J'ai appris qu'Hunter t'avait blessé, Corbeau. Heureusement que tu n'avais pas été abîmé ces deux derniers mois. On t'a appris à utiliser ton pendentif, Hunter ? Ça pourrait te servir. Tu sais, c'est tellement drôle !

 Corbeau et moi échangeâmes un regard mi-affligé, mi-paniqué.

 -Euh, moi, j'ai un truc à faire, déclara mon ami.

 Sur ce, il se téléporta. Lâcheur, va. Brusquement, je lui enviai son don.

 Héra prit mon poignet et me traîna dans ce que j'identifiai comme sa chambre. Chaque centimètre carré de mur était recouvert par des armes. D'ailleurs, aucune partie de la pièce n'était épargnée. Elle devait dépenser la quasi-totalité de sa paie pour s'acheter des objets de combat. Elle montra le canapé –envahi lui aussi.

 -Tu peux enlever quelques haches pour t'asseoir. Mets-les par terre.

 J'obéis, et elle se plaça à côté de moi.

 -Bon. Le collier dwairn te donne accès à une sorte de réseau, qu'on appelle le Neuro. Il permet à tous les dwairns de communiquer entre eux. Quand on est habitué, on peut rejoindre le Neuro sans même y penser, mais au début, ça peut aider de tenir le pendentif dans ta main.

 Elle allia le geste à la parole.

 -Comme ça. Je suis dans le réseau en ce moment, et j'ai trouvé ton esprit. Je peux te communiquer des pensées comme celles-ci, des images, voire même te permettre de voir par mes yeux.

 Elle lâcha son collier, parlant de nouveau normalement.

 -Imagine que ton esprit est une brise. Laisse-toi flotter. C'est facile, tu vas voir.

 Je saisis mon pendentif, fermant les yeux pour mieux me concentrer. Mon esprit était une brise. Il était comme l'air, léger et impalpable. Il pouvait flotter loin de moi. Il suffisait de le laisser aller. Comme je l'avais fait pour créer la tornade.

 Aussitôt, des points de lumière apparurent sous mes paupières fermées. Je devinai que ce n'était qu'une illusion créée pour faciliter le voyage dans le Neuro. Chaque lueur correspondait à un dwairn. Je pouvais m'en rapprocher, m'en éloigner.

 Héra, pensai-je.

 Aussitôt, je fus propulsé vers son esprit.

 -Tu m'entends ?

 -Oui. Pas mal, pour un débutant. Ouvre les yeux.

 J'obtempérai. C'était plus dur de rester en contact avec le Neuro de cette façon, mais je le voyais toujours, dans un coin de mon esprit.

 -Corbeau est capable de se battre en discutant par le réseau. Moi, j'en suis incapable. Je manque de concentration.

 -Tu crois que je pourrais y arriver ?

 -Avec de l'entrainement, peut-être.

 -Et on peut se parler à quelle distance ?

 -L'espace n'existe pas dans le réseau. On peut se parler instantanément à l'autre bout du monde. Mais pourquoi demandes-tu ça ?

 -Parce que je vais partir.

 Elle tressaillit, et quitta le Neuro. Je la sentais toujours, mais elle était plus distante. Mon esprit revint totalement sur Terra.

 -Pourquoi ? Tu as des devoirs, ici.

 -J'ai un devoir envers ma mère. Et il passe avant tous les autres. Je dois la venger.

 Elle le regardait comme si j'étais un demeuré. Ses yeux étaient bien plus expressifs que ceux de Corbeau. J'y lisais de l'inquiétude, du reproche, un peu de colère aussi. Mais je ne pouvais pas suivre le conseil qu'ils me donnaient. Ma mère était morte. Je ne pouvais pas rester comme s'il ne s'était rien passé.

 -N'essaye pas de m'arrêter.

 -Hunter...

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  -Je vais tuer Ouranos.

Hunter's shadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant