Chapitre 6 - Linngard

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 Le lendemain, je me réveillai dans mon lit. Je l'avais rejoint à veille, et m'étais effondré comme une masse. Je me sentais étrangement épuisé. Dès que je me redressai, je fus pris d'un vertige. En regardant mes draps, je vis qu'ils étaient trempés de sang.

 L'eau avait rouvert mes blessures. Evidemment. Heureusement, Kerrick avait choisi de me ramener mes armes ce jour-là, et il m'aida à rejoindre l'hôpital. Le médecin me traita de tous les noms, mais il était soulagé. Pendant quatre jours, il m'assomma à coup de calmants pour me maintenir en place. Hilda Ophis mit fin à mon sommeil artificiel pour venir me chercher.

 Quand elle posa un uniforme d'Elite et des bottes de cuir devant moi, je levai les sourcils.

 -Où va-t-on ?

  -A Linngard.

 Ma question était stupide. Où pouvait-elle emmener le nouvel Elite, sinon à la capitale ? Je sentis l'excitation me gagner. Je n'avais jamais quitté Stanja.

 -Ne traine pas trop. Mon collègue t'attend en bas. Je vous rejoindrai plus tard. J'ai un truc à faire.

 Elle sortit aussi sec. Je me hâtai de m'habiller, ravi de quitter l'hôpital. En me voyant partir à toute allure, le médecin me gratifia d'un « doucement », que j'ignorai superbement. Il n'y avait qu'une seule personne dehors, si bien que j'en conclus que c'était celle à qui je devais m'adresser. Il tenait deux chevaux par la bride. Je stoppai net en voyant les cornes sur leur front et leur nez.

 -Des tricéros ?

 Ces animaux sont la pire erreur de la création. Je ne crois pas avoir déjà vu des bêtes aussi enclines à faire tomber leur cavalier –et encore, c'est pour les plus sympathiques : les autres vous piétinent consciencieusement.

 L'homme semblait très fier de lui.

 -Et oui, jeune homme ! Tu ne vas pas pouvoir y couper. Ce sont les montures les plus rapides. Cette jeune beauté –il montra l'animal de gauche, un sublime étalon noir- sort tout juste du dressage. Quatre ans, mais des jambes d'acier. Une sacrée bête. On ne veut que le meilleur pour nos Elites.

 Je ne pensais pas que me faire assassiner par un cheval mutant faisait partie du meilleur. Mais, après tout, pourquoi pas ?

 Je m'avançai vers la bête, qui renâcla. Ses yeux couleur or liquide, sans pupille, se plantèrent dans les miens, et il rua. Sans me laisser intimider, je continuai de marcher, m'arrêtai devant lui. Il tenta de me mordre quand je tendis la main, mais je l'évitai, et appuyai ma paume entre les deux cornes de son front, le contraignant à baisser la tête. Il avait le crin plus soyeux que j'aurais cru. S'ensuivit une longue confrontation de regard. Il finit par baisser les yeux et expirer profondément.

 C'était une petite victoire : j'avais su me dresser devant lui en tant que supérieur. Mais il y avait de fortes chances pour qu'il me donne tout de même du fil à retordre.

 -Il aurait pu t'éventrer, gronda le guide.

 -Il ne l'a pas fait.

 Il voulut ajouter quelque chose, mais se ravisa.

 -Il s'appelle Fynsternis.

 -Je dirais Fyn, si ça ne vous dérange pas.

 -Fait comme tu veux. Au fait ! Je ne me suis pas présenté ! Errol Sword, conseiller du roi.

 Un conseiller ? J'étais gâté, dites donc. Il me tendit les rênes de Fyn.

 -Allons-y.

 Je marquai un moment d'hésitation.

Hunter's shadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant