Ce qui se passa directement après la mort de Jih reste très flou dans ma mémoire. Ce qui est certain, c'est que je restai un moment à contempler le corps, puis que je ramassai le kriss et le brandis vers le ciel, pour que tout le monde le voit. Kerrick me rejoignit peu après. Il me souffla à l'oreille quelque chose du genre : "Tu fais exprès, hein ?", avant de passer son bras sous le mien pour m'aider à rejoindre les gradins. Quelqu'un partit chercher un médecin. C'est dans une foule silencieuse, en prononçant le nom de Wanda, que je perdis connaissance.
Quand je revins à moi, j'étais allongé dans un lit d'hôpital, entièrement vêtu de blanc. Je ne m'étais jamais senti aussi faible, et la douleur était à la limite du supportable, mais le fait que je sois en vie était, en soi, une bonne nouvelle qui éclipsait tout le reste.
En tournant la tête, j'aperçus, sur une table de chevet, le kriss de Jih. J'eus l'impression de recevoir une décharge électrique. Non. Pas le kriss de Jih. Mon kriss, à présent. J'avais tué une Elite. Ce qui faisait de moi l'un des siens. Jamais je n'avais osé en rêver. Et pourtant, c'était bien réel. La douleur me le confirmait. Malgré cela, je n'arrivais pas à me réjouir. Une part de moi me soufflait que, sans Wanda, cette victoire était en réalité une demi-défaite. J'avais gagné le grade d'Elite. Mais j'avais perdu ma meilleure amie.
Une porte s'ouvrit. Un homme, sans doute le médecin qui m'avait soigné, entra. Bien qu'il n'ait, en apparence, qu'une cinquantaine d'années, ses cheveux étaient déjà d'une étrange teinte argentée. Il était accompagné d'une femme qui devait avoir son âge, au regard indéchiffrable. Elle tenait une sorte de feuillet. Avec un gémissement, je me relevai sur les coudes.
-Déjà réveillé ? s'étonna la dame.
-J'ai rarement vu quelqu'un se remettre si vite, admit l'autre.
Je ne me sentais pas du tout remis, mais je me gardais bien de l'admettre.
-Vu que tu es de retour parmi les vivants, il va falloir que je te pose quelques questions.
Je hochai la tête. Elle s'assit au bord du lit.
-Je suis Hilda Ophis, secrétaire du roi Salomon III. Je m'occupe de toutes les formalités administratives, en particulier ce qui concerne les Elites. (elle se pencha sur son dossier, un stylo à la main) Hunter Sheitan, né le cent-neuvième jour de l'année Dragon Noir, c'est bien ça ?
-Oui.
-Ta mère est une dwairn.
-Oui.
C'était la seule chose que j'étais sensé savoir sur elle. A Stanja, comme dans une poignée de villes de Rauthrsandr, les enfants étaient séparés de leurs parents dès qu'ils étaient nés, et placés dans une sorte de foyer.
-Ce n'est pas ton cas.
-Non.
-Pourtant, ton collier est un collier de dwairn.
Je baissai les yeux pour regarder le pendentif. D'ordinaire, je le cachais sous mon t-Shirt. Seuls les dwairns pouvaient en porter de semblables. C'était un moyen de les identifier. Le triskel de métal sembla me narguer. J'espérais ne pas écoper d'une amende.
-C'est un cadeau d'une amie.
Enfin, pas tout à fait... La femme fit la moue, mais ne dit rien. Je remarquais alors qu'elle aussi avait un collier. Il représentait une balance. Elle changea de sujet.
-Il n'y a rien sur ton père.
-Je n'en ai pas.
Elle leva les sourcils, dubitative. Quand j'en parlais, les gens réagissaient toujours de cette façon. Le médecin intervint.
-C'est un ami qui a étudié ce cas. Le garçon dit la vérité. Quand sa mère est venu à la clinique car elle était enceinte, elle était vierge.
-Etonnant, murmura la secrétaire, si doucement que je l'entendis à peine. Tu es vraiment quelqu'un de fascinant, Hunter Sheitan.
Après maintes et maintes questions, elle finit par se lever.
-Très bien. Salutations à toi, nouvel Elite.
Elle désigna le kriss.
-Il s'appelle Arktiahel. Il contient la douleur de toutes ses victimes. Le simple fait de toucher cette arme suffit à faire tourner l'œil aux guerriers les plus tenaces. Etant son nouveau porteur, tu es le seul à pouvoir le tenir sans souffrir.
Je frémis. Ce poignard ne m'avait pas seulement touché. Il m'avait blessé. Mais la douleur que j'avais ressentie était tout à fait normale. Avait-il perdu son pouvoir ?
A moins que le problème ne vienne de moi ?
Les deux adultes quittèrent la pièce, me laissant seul avec des centaines de questions s'entrechoquant dans ma tête.
-------------
Hilda rejoignit son collègue à l'entrée de l'hôpital. Ce dernier rit de sa mine dépitée.
-On dirait que ça ne s'est pas passé comme tu voulais.
-Tout cela est ridicule. Même le toubib m'a affirmé que ce gosse n'avait pas de père. Il n'a pas pu se faire lui-même ! Et pourtant, aucun des deux ne ment. Et ce gamin est convaincu d'être Normal.
-Alors il doit l'être.
-En étant le fils d'une dwairn ?
-Ce n'est pas parce que ça ne s'est jamais vu que c'est impossible.
-Il porte un collier dwairn. Il m'a dit qu'il le tenait d'une amie, mais il mentait.
-Qui sait ? C'est peut-être de sa petite amie.
-J'ai essayé de lui enlever quand il dormait.
L'autre pâlit.
-Il t'a brûlé la main.
Elle hocha la tête.
-Tu sais très bien ce que ça veut dire. Ce pendentif lui appartient. Vraiment.
L'homme enfouit sa tête entre ses mains.
-Un fils de dwairn, avec un collier de dwairn, mais convaincu d'être Normal ?
Il laissa planer un léger silence.
-Les pouvoirs se réveillent vers les six ans. S'il en avait, il le saurait, non ?
Hilda leva les yeux au ciel.
-Il y avait des témoins dans l'Arène. Ils sont tous d'accord sur le fait que ses yeux avaient changé quand il a provoqué Jih en duel.
-J'ai entendu dire qu'il avait les yeux caméléons.
-Ce n'est pas de ça que je parle ! Ils étaient entièrement rouges ! Et lumineux. Et tu vas me dire qu'il n'est pas dwairn ?
Elle crut qu'il n'allait pas répondre. Mais il baissa les yeux, et murmura :
-S'il le dit, Hilda... S'il le dit...
*********
Bonjour tout le monde !
Voici un chapitre qui soulève pas mal de questions, non ? D'où Hunter tient-il son collier ? Pourquoi ne veut-il pas le dire ? Comment expliquer sa naissance ? Pourquoi le pouvoir d'Arktiahel n'a-t-il pas fonctionné sur lui ? Est-il un dwairn ? Et s'il en est un, comment ce fait-il qu'il ne le sache pas ?
Je vous laisse cogiter tout ça. J'attends vos théories, et, comme toujours, vos avis.
VOUS LISEZ
Hunter's shade
FantasyAnnées 4000. Il y a mille ans, après avoir tué son créateur et détruit toutes les technologies, l'androïde Ouranos a réduit à néant la civilisation humaine. Sans l'intervention de la mystérieuse Gaïa, les hommes auraient été rayés de la surface de l...