Chapitre 45

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Je ne voulais pas y croire. Je ne voulais pas m'accorder de tomber dans le cliché et pourtant, me voilà, allongé à côté de lui, détaillant les traits de son visage. Son teint légèrement hâlé, parfait. Julius aurait pu rendre jaloux n'importe quel ado. Son visage n'a jamais été frappé par la puberté tout en s'étant pris une grosse claque par cette dernière. Il n'a aucune imperfection et pourtant, il a la barbe des trois jours qui pique légèrement au toucher. Il a un visage qui vous marque par sa beauté. Si Julius n'était pas un sorcier plus vieux que l'invention d'internet, il aurait pu être mannequin. Je le vois bien mannequin ou l'un de ces mecs à poil que l'on trouve dans le calendrier.

J'aurais acheté trois calendriers de lui, je crois.

Julius était beau. Vraiment beau.

Mon doigt vicieux dessine chacun des traits de ses abdominaux et de son ventre qui gonfle au gré de sa respiration. Il ne doit même pas s'en rendre compte que je suis en train de jouer avec les courbes de son corps. Je n'ose penser à ce qu'il me ferait s'il le savait...Déjà que je suis à peine remis de ce qu'il vient de me faire.

Je l'entends alors grommeler dans son sommeil et je retire ma main aventurière puis il se retourne, cheveux dans la figure, me faisant alors complètement face cette fois.

J'ai envie de rire quand je le vois ainsi. J'ai envie de rire fort, aux éclats. J'ai envie que l'on m'entende dans la chambre d'à côté. J'ai envie que l'on se rende compte à quel point je suis heureux.

Oui. Je suis vraiment heureux.

Et quand je pense que cette simple sensation peut s'en aller, s'enfuir du jour au lendemain d'un simple claquement de doigts. J'en ai peur. C'est de vivre dans l'incertitude d'un demain qui me terrifie.

Je ne sais pas si je le verrais demain. Je ne sais pas si aujourd'hui n'est pas notre dernière fois. Je ne sais pas si je pourrais encore profiter de son corps, de sa maîtrise au lit, de ses lèvres. Je me demande constamment si tout n'a pas un arrière-goût de « dernière fois ».

Par moment, j'en ai bel et bien l'impression.

J'ai l'impression que chaque jour un peu plus, Julius essaye de me dire « au revoir » à sa façon. Comme s'il essayait de me transmettre un message que je ne comprenais toujours pas.

Et je sais que c'est le cas.

Et il sait que je le sais aussi.

Nous ne sommes pas dupes. Nous n'aurons pas le droit à notre « Happy End ». Nous ne pourrons pas vivre ensemble. Nous ne sommes pas destinés à vivre ensemble d'ailleurs.

J'y ai réfléchi...À toute cette histoire.

Deux scénarios s'offrent à nous :

Le premier dans lequel les Tenebris ou les Caligari me mettent la main dessus et me sacrifient. Un scénario dans lequel je meurs.

Le second dans lequel une guerre sans nom se propage pour « moi » et dans laquelle Julius perd la vie en tentant de me protéger de tous ces gens. Dans tous les cas, il mourra.

Et moi aussi.

Nous ne pourrons jamais être ensemble.

Nous ne pouvons que continuer de croire que « demain » nous serons encore là. Nous ne pouvons que continuer de croire que ce n'est pas notre « dernière fois » et que nous n'avons pas à nous dire « au revoir » de cette façon-là, aussi atroce qu'elle soit. Aussi douloureuse qu'elle soit. Mais je crois intimement qu'au fond, nous nous y préparons quand même...à cette éventualité.

Aussi déchirante soit-elle.

Je profite alors de cette ultime nuit où je peux rester ainsi. Allongé à ses côtés, savourant chaque moment. Enregistrant chacun des traits de son visage et de son corps. Emmagasinant le maximum de souvenir pour une vie future. Je ne suis pas destiné à redevenir un homme. Je pourrais très bien être un rocher, une statue...Un cactus ! Oh comme je détesterais me réincarner en cactus même si j'adorerais avoir des épines pour me défendre.

Alors oui, je profite de cette nuit comme si c'était la dernière.

Je profite de cette nuit comme si nous allions disparaître à l'aube.

Je profite de cette nuit pour lui déclarer tout l'amour que j'ai pour lui.

Je profite de cette nuit pour lui faire comprendre tout ça.

Je profite de la nuit avant que les ténèbres n'arrivent.

Avant que la peur ne s'installe.

Avant que la panique nous prenne et nous saisisse.

Je profite de la nuit avant que l'horreur ne vienne nous frapper.

Avant que l'on ait à devoir dire « adieu ».

Graal (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant