Blue Sword (Tome 1) - Fort Schrade

2. Armagicien

   L'expérience était plutôt désagréable, et c'était peu de le dire. Ethan avait l'impression d'être haché menu et recollé morceau par morceau. Un violent vertige le secoua et il faillit rendre son déjeuner. Ses tympans sifflaient douloureusement et i mit une bonne minute à se remettre de la sensation. Autour de lui certains avaient moins bien supporté le voyage et étalaient le contenu de leurs tripes sur le sol. Le hongre noir avait montré une certaine appréhension à traverser mais il se tenait étrangement tranquille désormais. Il avait traversé la Brèche. Elle portait plutôt bien son nom, elle ressemblait à une grande fissure dans l'air qui ondoyait. Les couleurs qui en sortaient n'étaient pas les même une seconde sur l'autre, elle oscillait entre le bleu, le jaune et le vert. Du côté terrestre elle mesurait une douzaine de pieds mais de l'autre côté, elle était deux ou trois fois plus grandes. Une fois passé, Ethan avait débouché dans une grande pièce, à en juger par l'agencement des lieux, l'endroit devait être en sous-sol. Une lumière pâle provenant d'un large couloir éclairait la pièce. Autour de lui, d'autres soldats marchaient vers le couloir, une charrette était passée avant lui et était déjà presque sortie. Il chercha Leroy des yeux mais ne le trouva pas, chose étrange puisqu'il se trouvait juste derrière lui. Il décida de sortir pour explorer les lieux. Une fois à l'extérieur il fut stupéfait par le mastodonte qui se révéla. Sous ses yeux, les immenses murs et les tours à perte de vue. 

   L'endroit était de dimensions cyclopéennes et relativement sinistre, tant et si bien qu'il peinait à s'y orienter. Les murailles devaient être une fois et demie plus grandes que celles du château d'Argoth. Les tours de miradors s'élevaient un peu partout reliées au chemin de ronde par de multiples escaliers. Les remparts descendaient par paliers ce qui les rendait beaucoup plus épais qu'à l'accoutumée. Rien ne pouvait les franchir. Ou en tout cas aucune créature terrestre qu'il connaissait n'en était capable. Le fait qu'il faille autant d'hommes chaque année pour défendre de tels murs ne lui disait rien qui vaille quand aux adversaires qui allaient s'annoncer. Il avança dans la forteresse où les hommes commençaient à affluer et à se répandre dans les bâtiments et les immenses cours selon leurs affectations. Trente-mille hommes ne seront pas de trop pour garder cet endroit pensa-t-il. Un jeune homme aux traits fins s'approcha de lui et le dirigea vers les écuries, Ethan refusa en premier lieu de laisser ses affaires mais après que le garçon eût noté son nom il lui affirma que ses bagages seraient portés dans ses quartiers. Il ne put que se résigner et décida de continuer son exploration. 

   Il grimpa au somment d'une muraille, d'ici il pouvait mieux se rendre compte de la taille du fort. Ethan parcourut le chemin de ronde en observant l'immense bâtiment qui se tenait au milieu de la place et qui dominait tous les autres par ses titanesques tours. Cet endroit avait quelque chose de terriblement froid et triste. Comme si les murs eux-mêmes avaient souffert de rester intacts pendant des milliers d'années. Les officiers étaient les premiers du convoi, même en se pressant, toute l'armée mettrait plusieurs jours à traverser voir peut être même toute une semaine à cause de la différence d'écoulement du temps. Il passa le reste de l'après-midi à explorer les environs, et ne revint à la cour principale que lorsqu'il commença à croiser des soldats sur le chemin de ronde. La défense commençait à s'organiser et les hommes prenaient leurs positions. Une fois dans la cour il entendit quelqu'un qui hurlait des ordres à ceux qui sortaient du long couloir. Des chariots, des chevaux, des chevaliers et des fantassins continuaient inlassablement de passer les portes en masse.

   -   Ethan ! Lança une voix venant de sa droite.

   -   Tiens tu es là, je me demandais où tu étais passé.

   -   Oui, j'ai dû arriver quelques minutes après toi. Par tous les diables ! J'ai gerbé tous ce que j'avais dans l'estomac. Je meurs de faim !