Blue Sword (Tome 1) - Fort Schrade

13. La promesse de l'esprit vengeur

   Il suffisait qu'il détourne le regard une minute pour que le garçon de campagne ne cherche à s'enfuir. Il l'avait solidement ligoté mais le garçon d'une quinzaine d'années tentait de ramper. Si l'armagicien ne l'avait pas bâillonné il serait en train de hurler pour qu'on le trouve. Mais Ethan ne pouvait pas le laisser repartir aussi facilement. Il l'avait vu, et il l'avait surtout reconnu à cause d'un avis de recherche. Qu'allait-il bien pouvoir faire de lui ? Il n'avait pas beaucoup de solutions. Il sortit une dague et s'approcha du garçon, ce dernier paniqua et commença à reculer en rampant. L'armagicien le bloqua contre une poutre et lui mit la lame sous la gorge. Son regard était glacial et le visage du garçon avait viré au blanc.

   -    Si tu veux vivre, obéit.

   Il hocha la tête nerveusement.

   -   Bien, je vais t'enlever ton bâillon, si tu hurle je t'égorge.

   -   Vous êtes... l'armagicien des avis de recherche ! Dit-il à voix basse.

   -   C'est possible.

   -   Je... vous avez sûrement besoin d'un toit pour la nuit ou pour quelque jour, et vous voudrez sûrement que je ne dise à personne que je vous ait vu.

   -   Tu es perspicace mon garçon.

   -   Je m'appelle Nelson, je...

   -   Je me fiche de ton prénom.

   -   Ecoutez-moi, je suis prêt à vous cacher et à vous aider autant que je le pourrais. Mais en échange j'aurais un service à vous demander.

   -   Tu ne manques pas de culot ! Dit-il en souriant. Es-tu prêt à risquer ta vie ?

   Il hocha la tête d'un air déterminé.

   -   Je vais d'abord écouter ta demande puis j'y réfléchirais.

   -   Je vous remercie...

   -   Ne me remercie pas, je n'ai encore rien fait. Parle.

   -   Avez-vous déjà entendu parler du droit de cuissage ?

   -   Oui, c'est un droit qu'ont les seigneurs provinciaux sur les habitants, ou plutôt les habitantes de leurs terres. Mais je n'ai jamais vu aucun seigneur en faire usage.

   -   Eh bien le seigneur de cette région en a fait usage. Il a enlevé une douzaine de filles dans les environs et se les ait appropriés. Ma... ma sœur en faisait partie.

   -   Je vois tu veux donc que j'aille la sauver ?

   -   Oui...

   -   C'est de la folie, pourquoi irais-je me jeter dans la gueule du loup alors que personne ne sait que je suis ici ?

   -   Je sais bien que c'est égoïste. Mais vous êtes son seul espoir. Elle a été enlevée il y a deux jours de cela !

   -   Et si je ne le fait pas je devrais te tuer car tu diras à tout le monde que tu m'as vu. Ce sont des terres plutôt grandes, qui d'autre vit ici ?

   -   Personne. Mon père était chevalier, il est mort à la guerre. Ma mère a été enlevée il y a deux ans par les gardes du seigneur. Nous avons appris sa mort il y a quelques mois. Il ne me reste que ma sœur.

   -   Je vois.

   -   Alors vous allez m'aider ?

   -   Pour l'instant je compte passer la nuit ici tranquillement. Tu m'offriras le gîte et le couvert et je réfléchirais à ton offre.

   Le garçon avait bien sûr accepté. Il n'avait pas d'autres choix. Ethan quant à lui n'avait pas vraiment l'intention de sauver cette fille. Il ne connaissait pas cette partie du pays et était entré sur ces terres les pensants abandonnées. Il passa la nuit dans la grange par sécurité. Le lendemain le garçon continua d'argumenter pour convaincre l'armagicien. Il lui parlait de la petite place forte à quelques lieues de là et de la centaine de soldats qui y stationnaient. Mais Ethan ne lui faisait pas totalement confiance, il avait appris à se méfier avec le temps. Nelson continuait à lui parler du seigneur et du village. Du meilleur chemin pour quitter le village à l'aube sans être vus. Le lendemain Nelson se leva tôt pour continuer de parler de sa sœur à l'armagicien. Il espérait de tout son cœur qu'il l'aide à la retrouver. Elle était la dernière chose à laquelle il pouvait encore se raccrocher. Mais lorsqu'il arriva dans la grange il ne trouva pas Ethan. Il n'y avait aucune trace ni de lui ni de ses affaires. Il fouilla chaque pièce de la maison et ne trouva qu'une armoire vide ou son père avait laissé des vêtements. Il était parti. Mais le garçon refusa de perdre espoir. Même si son cœur lui hurlait qu'il avait été trahit, il refusa d'y croire et chercha dans tout le village. Mais il ne trouva rien. Il tomba à genoux. Le soleil se couchait. Il pleura, il pleura toutes les larmes de son corps et resta allongé au sol pendant des heures. Il ne reverrait jamais sa sœur. Il se releva lorsqu'un frisson le parcourut. La nuit était tombée depuis longtemps. Il rentra, s'assit devant la table et attendit. Il n'avait pas envie de dormir ou de manger. Il se sentait trahit. Un sentiment de révolte le parcourait, mais il était étouffé par la tristesse.

   Un bruit l'interrompit dans sa mélancolie. On venait de toquer à la vieille porte en bois. Il mit près de dix secondes avant de décider de se lever pour aller voir. Il ouvrît la porte et son cœur s'arrêta. Ses jambes flageolèrent et il tomba une fois de plus à genoux. Il écarquilla les yeux, non il ne rêvait pas. Sa sœur, sa sœur était là debout sur le pas de la porte. Il se leva et la prit dans ses bras comme pour éviter qu'elle ne disparaisse. Elle lui rendit son étreinte.

   -   Co... comment ? Parvînt-il à articuler entre deux sanglots.

   -   Un homme vêtu de noir nous a délivrés, moi et les autres filles. Dit-elle avec les larmes aux yeux.

   -   Un homme ?

   -   Oui, il a libéré tout le monde et m'a ramenée jusqu'ici. Il m'a dit qu'il s'appelait Ethan.

   Les histoires retinrent de cette nuit qu'un ou plusieurs individus non-identifiés avaient pénétré l'enceinte de la place forte du seigneur local, avait tué près d'un tiers des gardes et avait libéré les femmes qui avaient été enlevés. Personne n'avait aperçu son visage et les rares gardes à avoir vu l'intrus et à avoir survécu dirent qu'il était vêtu d'une cape noire, qu'il était rapide comme l'éclair et qu'il maniait le feu. Les barbes firent de lui un esprit vengeur qui avait attaqué le seigneur à cause de ses méfaits. Seul deux personnes connaissaient la vérité. Un armagicien avait tenu une promesse qu'il n'avait même pas prononcée.