Chapitre 10 - Rigolade

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Lorsque je m'incruste dans l'établissement, c'est en premier Mitzraël que je cherche discrètement du regard. Je ne sais pas pourquoi, mais je scrute les alentours et je finis par le trouver facilement dans une rangée de cases avec sa rousse, Jade. Ils sont en train de se bouffer la gueule. Ou dirais-je plutôt, il lui bouffe la gueule. Au lieu de filer tout droit, je m'arrête en passant devant la rangée, probablement parce que je n'y comprends rien du tout à son attitude stupide. Avec Mitzraël, c'est rare que j'arrive à y saisir quelque chose. C'est toujours tout blanc ou tout noir. Je fronce les sourcils, je crois que l'expression : "ça me donne envie de vomir," n'est que bien utilisé en ce moment.

Pauvre fille, si elle savait. Cette pensée me fait sourire, ce n'est pas l'envie qui me manque de lui dire. Mais bon, elle ne goberait pas cette vérité et je dois d'abord déchiffrer l'énigme. Ouais, une énigme, c'est désespérant. Normalement, j'en résous qu'en mathématique et ça me suffit largement.

Je roule les yeux et poursuis mon chemin jusqu'à ma propre rangée avant que l'on me repère en train de les lorgner.

***

Quand j'entre dans la classe de science, Mitzraël est déjà écrasé à sa place qui est devant la mienne. Je l'observe discrètement en me rendant à mon pupitre, mais il ne m'aperçoit pas, car il est concentré sur ce qu'il écrit. Puisque j'étais mal à l'aise que nous croisions le regard de l'un ou l'autre, ceci fait très bien mon bonheur qu'il ne m'ait pas encore remarqué.

Le cours débute en nous faisant corriger notre devoir. J'en profite pour jouer au jeu du papier avec lui. Je ne sais pas ce qui me prend à faire une telle chose, mais je déchire un bout de feuille faisant toujours trop de bruit à mon goût. Discrètement, je lui écris cette question risquée.

Pourquoi tu m'as embrassé vendredi ?

Je fixe un moment ma phrase interrogative, mais il lui manque quelque chose. Je réfléchis une fraction de seconde. Ah, oui, une touche d'humour. Je rajoute alors ceci;

Suis-je si irrésistible que ça ? J'aime bien considérer que oui. Ne détruis pas mon monde en me disant le contraire, stp.

Ensuite, je lui lance le bout de papier que je viens de plier. Je dois forcément avoir des pensées suicidaires pour oser lui abattre ce questionnement, mais ce côté de moi qui a constamment besoin de comprendre a le contrôle de mes gestes. De toute façon, il ne risque pas de me bondir dessus dans la classe devant tout un chacun, surtout en constatant la raison dont il aurait été question. Donc je ne m'inquiète pas trop. Je deviens d'ailleurs habitué à ses sauts d'humeur. Je crois qu'à la limite, je commence à prendre mon pied.

Lorsqu'il termine de lire ma phrase, il tourne la tête dans ma direction et me lance un regard noir en chiffonnant le papier devant mon visage dans un geste lent et explicite. Je me penche sur mon pupitre et c'est en chuchotant que j'ose le provoquer en le défiant du regard.

— Quoi ? Aurais-tu peur d'y répondre ?

— Je t'em-mer-de ! dit-il, séparant bien les syllabes en soufflant ces mots, mais en les crachant presque.

Je ne sais pas ce qui me prend, mais un fou rire monte dans ma gorge. Je veux maîtriser ce qui va suivre, en vain. Je souris tranquillement en essayant de ne pas éclater, mais c'est sans issues, car je plaque mes paumes contre ma bouche pour glousser le plus discrètement possible.

— Pougnahah gnihihi. C'est ça, marre-toi, abruti ! lance Mitzraël, en m'imitant de façon ironique et exagérée.

Madame Dubois, l'enseignante, nous remarque dans le fond de la classe. Bien que nous ne sommes pas difficiles à repérer. J'ai le visage rougi à la force de tenter de ne pas m'esclaffer et Mitzraël, lui, commence à s'énerver face à moi, mais à dos du professeur.

Indéchiffrable (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant