Antoine

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Le lendemain fut un vrai chantier. Toute la matinée nous nous efforçâmes avec mon père de bouger les meubles du salons afin de les répartir dans les pièces correspondantes.

Heureusement pour nous, les gros meubles étaient en pièces détachées, une veine, surtout pour ceux qui devaient monter à l'étage. Mais nous maudîmes tout de même les déménageurs qui ne s'étaient pas foulés en posant tout en merde dans une pièce avant de prendre leur week-end.
La cavalerie arriva en la personne de Thomas et Margery à grand renfort de poulet frit et de frites. Leur fils, Antoine arriverait plus tard, ayant des cours d'été. Je me moquais doucement de lui, imaginant un intello demandant à papa, maman des cours en plus pour rester au top niveau. Les amis de mon père étaient assez bon chic bon genre, dans le style petite maison dans la prairie remasterisée. Leur surnom fut vite trouvé.
Après cette pause déjeuné, l'après-midi parut très court. Les meubles de l'étage furent montés et la plupart des meubles entassés dans le salon trouvèrent leur juste place. "Madame Ingalls" commença à sortir nos livres des cartons pour les ranger dans la bibliothèque que mon père et "Monsieur Ingalls" avaient déplacés avec difficulté contre le mur. Je savais que, dès qu'ils seraient partis, mon père retirerait tous les livres pour les ranger comme il le souhaitait. Livres lus d'un côté, livres à lire de l'autre, classement par genre, puis par ordre alphabétique d'auteurs et j'en passe. Un vrai maniaque.
Antoine arriva en fin d'après-midi. Il était dans un sens conforme à la vision que j'avais de lui et en même temps complètement différent. Ses cheveux châtains étaient coiffés dans l'air du temps avec un petit effet décoiffé, il avait un polo bleu marine et un pantalon beige de golfeur qui s'assortissaient très bien et des petites espadrilles de mec à la mode. Avec mon jean destroy et mon tee-shirt noir tout con, j'avais l'impression d'être le pauvre de service en face du fils à maman tout droit sorti de la cuisse de Jupiter. Et ce mec n'avait pas juste l'air prétentieux, il l'était vraiment. Et lèche-cul avec ça.
En arrivant, il s'excusa auprès de mon père et de ses parents pour le retard expliquant que son professeur particulier lui avait proposé une partie de tennis à la fin de leur leçon et qu'il n'avait pas pu refuser. Son sourire était tellement faux et son excuse tellement cliché et foireuse que je fus certain que ses parents ne se laisseraient pas prendre. Et pourtant. Thomas tapota l'épaule de son fils et Margery demanda qui avait gagné la partie.
J'allais peut être bien m'entendre avec ce gars finalement.
Après avoir rapidement fait connaissance, je lui indiquai ma chambre et, chacun avec un carton qui m'appartenait. Nous nous enfermâmes dedans.
- Enchanté mec. Me fit-il à nouveau en tendant sa main. Le la serrai en le regardant droit dans les yeux.
- Tu sens le parfum de gonzesse à dix mètres. T'es fort pour leur faire avaler cette histoire de tennis.
- Et de cours d'été, ajouta-t-il en ricanant.
Je ris en me penchant sur mon carton pour commencer à sortir mes vinyles. Antoine siffla d'admiration en regardant ma collection. Il regarda les cartons entassés dans ma chambre et me demanda si tous contenaient la même chose.
Bien sûr que non. La moitié seulement.
Il ne reconnaissait aucun des groupes ou chanteurs sur les jaquettes. La moitié des vinyles que j'avais dataient des années 50. Je les avais reçus de mon grand-père qui m'avait initié au jazz, au blues et à la soul. Il me disait toujours : « Nos racines les plus profondes se trouvent dans la musique. Nous sommes ses enfants, c'est ainsi que nous nous sommes construits ». Un homme sage mon grand-père. Je me roulais une clope en m'installant près de la fenêtre et fixais la maison des voisins.
- C'est vraiment pas de bol que tu te retrouves en face d'eux. Me dit Antoine en me rejoignant et en allumant une cigarettes. Il ouvrit la fenêtre et cracha sa fumée dehors.
- Tu les connais ?
- Si je les connais ? Mec, tout le monde connaît les Crow ici. Ils se sont installés il y a deux ans et sont un peu les bêtes de foire de la ville.
- Ah ouais ?
Je contemplais la maison américaine en aspirant une longue taffe de ma roulée. Je repensai à l'ombre que j'avais vu hier soir.
- Et la fille tu la connais ?
Antoine s'étrangla avec sa fumée avant de me m'observer d'un air étrange.
- Adélaïde ? Une vraie Freaks cette fille. À côté, toi, ta peau brune et tes tatouages, vous paraissez à peine exotiques dans le paysage. Et je ne dis pas ça parce que ce village est raciste mec. Ou à peine.
Ok. Donc, j'étais dans un village de France paumé avec des gens racistes qui n'avaient peut être même jamais vu de métisses ailleurs qu'à la télé, et la fille des voisins était à l'image de ses parents. Ça promettait vraiment d'être intéressant.

La sorcière de la plaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant