The Game : Let's play for real

Emily-Lou

Emylou embrassa sa mère et son beau-père, et monta dans l'avion, un sac sur le dos. Elle partait, direction la France. Elle quittait son Ecosse natale pour les vacances. Elle allait retrouver son père, sa belle-mère et ses deux demi-frères. Elle allait fêter son anniversaire avec eux comme chaque année. Mais pour la première fois, elle allait le fêter ailleurs qu'en Ecosse. Elle avait hâte d'arriver. Elle s'installa confortablement sur le fauteuil, en tailleur. Elle s'étira. Elle avait un côté félin : une grâce et une cambrure parfaite, un air sauvage et obstiné, une grande souplesse... Elle savait tout cela. Elle n'avait plus besoin de se voir pour connaître son corps. Elle connaissait parfaitement chaque membre, le maitrisait, le contrôlait. Elle se savait petite pour ses dix-huit ans. Son médecin lui avait dit qu'1m59, c'était vraiment juste pour son poids. Emylou pesait 66 kilos. Et pourtant, elle était mince. Elle n'avait pas un gramme de graisse. Elle était tout en muscle, si on mettait à part sa poitrine, plutôt volumineuse. Elle était très jolie, et elle le savait. Mais elle ne s'en vantait jamais, et elle détestait qu'on fasse des réflexions sur elle. Quelqu'un vint s'asseoir à côté d'elle. Elle replia ses genoux, prit une position plus sobre. Elle n'était pas très à l'aise en avion. Elle n'aimait pas voler.

Emylou se pencha au hublot quand l'avion décolla. Elle observa les paysages qui défilaient sous elle. Elle se sentit légèrement mal. Elle s'obligea à regarder le sol, la terre. Elle se mettait à l'épreuve.

« L'esprit est plus fort que le corps, songea-t-elle. Mais il n'est rien sans ce dernier. »

Un esprit sain dans un corps sain. Un esprit vif et intelligent, curieux et attentif dans un corps parfaitement musclé, maitrisé. Emylou détourna le regard du hublot. Elle sortit un livre de son sac : Les âmes croisées, dernier livre de Pierre BOTTERO, décédé avant de l'avoir fini. Le livre n'avait donc pas de fin. Il semblait en attente, comme un enfant attendant la suite d'un conte. Mais cette suite ne venait pas. Emylou lisait ce récit pour la 6ème fois, et elle l'appréciait toujours autant. Elle lut jusqu'à l'atterrissage.

Quand l'avion se posa, Elle descendit posément, sans se presser. Elle était détendue, calme. Elle aperçut Ewan, son père, qui fendait la foule de sa haute carrure. Il tenait sur ses épaules le petit Billy. Moira, sa nouvelle femme, le suivait, Sean accroché à son bras. Emylou sourit en les voyant tous quatre. Elle n'accéléra pas. Quand ils se furent rejoints, Ewan la serra dans ses bras, Moira lui sourit et l'embrassa chaleureusement, et les deux jumeaux sautèrent autour d'elle en chantant « Mily-Lou, Mily-Lou » en boucle et sur n'importe quel air. Emylou rit avec eux, heureuse de les revoir. Ewan prit son sac, et ils rentrèrent tous ensemble chez eux. Emylou avait sa place dans la famille, comme si elle y vivait en permanence. Elle n'était jamais exclue, Moira l'aimait comme sa fille... Elle se sentait mieux avec eux qu'avec sa mère et son compagnon, mais elle avait voulu rester en Écosse, elle n'avait pas suivi son père en France. À présent, elle regrettait. Ils arrivèrent devant la maison d'Ewan et Moira, une villa très moderne, presque fantastique, un peu en dehors de la ville. Quand la nuit tombait, le plafond s'ouvrait pour laisser voir les étoiles à travers une grande vitre. C'était magnifique et irréel. Emylou adorait cette maison, chaque pièce lui procurait joie et détente. Elle rentra dans le salon, monta à l'étage poser ses affaires. Sa chambre était restée intacte, rien n'avait bougé. Elle était grande, spacieuse. Un lit double occupait un coin, une armoire un autre. Une barre de danseuse, une stack-line roulée accrochée au mur, un putchingball attestaient des occupations sportives de la jeune fille.